3 - Les MotoChats en Road Trip sur la Côte Ouest des USA. De Palm Springs à Needles.
Après une bonne nuit de sommeil permettant un re-cadrage horaire presque parfait et un petit déjeuner à l'ombre de palmiers sous un soleil radieux, nous repartons pour une nouvelle journée à la découverte d'autres paysages.
Avant de nous engager sur le long trajet qui nous attend, il faut donner à boire à nos fiers destriers. C'est l'occasion pour moi de réviser mon anglais car, avant de se servir en carburant, nous devons payer à la station service le nombre de litres dont nous estimons avoir besoin pour faire le plein. Évidemment, une deuxième visite s'impose auprès du préposé pour un remboursement éventuel du trop payé.
Nous nous dirigeons vers le premier des parcs nationaux prévus au programme: le Joshua Tree National Park. Situé au sud-est de la Californie, il abrite deux écosystèmes désertiques différents, le désert du Colorado à basse altitude et le désert des Mojaves plus en altitude.
Le Parc de Joshua Tree reconnu parc national depuis 1994, mesure un peu moins de 3200 km2 et s'étend sur les Comtés de Riverside et de San Bernardino. C'est un site façonné par des conditions climatiques extrêmes, vents, pluies rares mais suffisantes pour alimenter la végétation adaptée aux situations arides. Contrairement à ce que l'on croit, le désert n'est pas sans intérêt. Il abrite une faune, une flore et un paysage minéral des plus variés offrant à nos yeux de magnifiques paysages colorés.
Sur notre route, nous rencontrons les cactus en premier, le Cholla Cactus très redouté à cause de ses épines "bondissantes". En effet, il suffit de s'approcher un peu trop près pour qu'un léger courant d'air permette aux épines quasi invisibles de s'envoler pour se disséminer dans l'atmosphère et se planter dans votre chair si vous êtes à proximité! Suivons le cycle de la vie de ces plantes sournoises mais si belles jonchant des étendues à perte de vue!
Tout d'abord une jeune pousse se détache de la plante mère et vient prendre racine sur le sol, plus ou moins rapidement selon sa chute.
Le cactus grandit et se ramifie jusqu'à la floraison fournie dans un dégradé de blanc à fuchsia. La fleur fanée laisse place à un cratère béant qui se dessèche peu à peu.
A la fin de sa vie, le cactus ne se nourrissant plus meurt. Ses tissus se sclérosant noircissent jusqu'à ce qu'ils se détachent et disparaissent. Ce déchaussement laisse apparaître son magnifique squelette de bois.
C'est ainsi que sur le même site, les différentes étapes de l'évolution du Cholla Cactus, offre un spectacle saisissant de diversité.
Plus nous nous enfonçons dans le désert, plus il se charge de roches ocres et rouges. Elles deviennent si présentes et imposantes qu'elles forment de véritables murs de pierres par endroit.
Un arrêt est incontournable pour découvrir le travail incroyable de la nature au bout d'un petit chemin sableux, Skull Rock (Rocher du Crâne). Le granit longuement érodé par les pluies a pris l'apparence de crâne humain.
De nombreuses haltes nous permettent de profiter de points de vue extraordinaires....
Sur la photo ci-dessus, des yeux de lynx peuvent distinguer, au fond de la vallée, l'oasis de Palm Springs sur la droite et une ligne noire sur la gauche, la faille de San Andréas. Ce phénomène géologique est le plus surveillé au monde car la vitesse de coulissement de part et d'autre de cette faille longue de 1 300 km et large de 140 km, est de l'ordre de 3,4 à 5,5 cm par an. Chaque année, plus de 200 secousses séismiques ont été ressenties par la population alors qu'il y en a tous les jours. La dernière a secoué la région à peine un mois après notre retour en France! Les scientifiques mesurent ces déplacements au laser pour essayer de prévenir un grand tremblement de terre catastrophique attendu en Californie, appelé le "Big One" qui aurait pour résultat de détacher partiellement une partie de l'Etat du continent. Rappelons que le séisme le plus meurtrier (plus de 3000 morts) a eu lieu à San Franscisco le 18 avril 1906 alors que la ville était bien moins peuplée qu'aujourd'hui.
Plus nous avançons et plus la végétation se transforme. Les cactus laissent peu à peu la place à d'immenses yuccas géants qui ont donné leur nom au parc: Le Joshua Tree (l'Arbre de Joshué).
Pourquoi ce nom? Autrefois, cette région était le lieu de vie des indiens Cahuilla. Ils connaissaient bien les Humwichawa, très fréquents à cette altitude du désert et avaient appris à en utiliser certaines parties. Ils se servaient de leurs larges et longues feuilles pour fabriquer des sandales et des paniers solides et ils consommaient bourgeons et racines. Au milieu du 19° siècle, les immigrants Mormons traversant le désert ont cru voir, dans les branches, les bras et la silhouette du prohète Joshué guidant les Hébreux jusqu'à la Terre Promise. Ils ont décidé de rebaptiser cette variété d'arbres "arbre de Joshué".
Au printemps, des grappes de fleurs blanches ornent tous ces immenses végétaux. Malheureusement pour nous, nous étions un peu en retard pour ce rendez-vous féerique....
Les fleurs avaient laissé place à de nombreuses grappes de fruits.
Mais le spectacle de cette végétation verdoyante de plusieurs mètres de haut dans un environnement hostile n'en n'est pas moins impressionnant!
Tous les aventuriers doivent faire une pause pour se restaurer. Quoi de plus naturel que de s'arrêter dans un saloon en plein désert?
Où nous trouvons les sempiternels hamburgers bien différents de ceux servis sur les tables françaises malgré leur ressemblance ainsi que toute une variété de salades.
Dans une ambiance bruyante à la décoration très ... locale sur fond de musique country bien sûr!
Pas le temps de faire un billard, il faut repartir pour rejoindre la mythique Mother Road.
La Route 66 est une voie transversale reliant Chicago à Los Angeles en traversant 8 Etats: l’Illinois, le Missouri, le Kansas, l’Oklahoma, le Texas, le nouveau Mexique, l’Arizona, la Californie et 3 fuseaux horaires.
Ce n'est pas la route la plus longue puisqu'elle ne parcourt "que" 3 670 km mais c'est sans doute la plus connue des USA bien qu'elle n'existe plus officiellement depuis 1984. Réalisée entre 1926 et 1937, elle est alors le symbole du Renouveau et de la liberté en pleine dépression des années 40. C'est vers Elle que convergent toutes les routes en permettant aux américains de s'évader vers la Californie. Elle constitue un axe majeur autour duquel se développent et se modernisent les localités qu'Elle traverse. Elle en a vu passer des motos, cabriolets et autres Ford Mustang de toutes les époques! Le déclin s'amorce au cours des années 70. L'arrivée des autoroutes qui soit la contournent soit empruntent une partie de son tracé, lui fait perdre son statut de route nationale en 1984, la poussant inexorablement vers le gouffre de l'oubli. Depuis 1990, le mouvement des Sisty-Sixters essaie de préserver ce qu'il en reste permettant aux nostalgiques de s'imprégner de l'ambiance de cette incroyable route grâce aux vestiges d'une époque révolue.
Nous traversons des immensités dans lesquels nous n'avons aucun mal à nous laisser submerger par notre culture cinématographique américaine en imaginant des caravanes de colons évaluer le terrain pour trouver l'endroit idéal afin de poser leurs chariots et leurs malles.
Nous croisons de nombreux chemins sablonneux, de part et d'autre de la route, semblant sortir de nulle part et s'enfoncer dans l'inconnu.
Seuls des chapelets de boites aux lettres bringuebalantes plantées au bord du macadam témoignent de la présence d'habitants quelque part.
Peu de temps avant l'arrivée à notre dernière étape de cette journée, nous sommes obligés de faire halte devant une barrière de chemin de fer abaissée le temps que le convoi engagé sur les voies libère la route. A nouveau nous affrontons le gigantisme du pays. Pas moins d'une centaine de plateaux portant chacun 2 énormes containers tirés par trois locomotives à l'avant et poussés par deux autres à l'arrière offrent un spectacle des plus insolites.
Les responsables de l'aménagement de certains plateaux ne sont apparemment pas les champions de Tétris mais l'équilibre est stable, c'est le plus important!
Il en faut de la patience devant ce genre de train car la vitesse est très modeste au regard du nombre de tonnes à tracter. Pour être rester quelques temps à proximité de cette ligne de chemin de fer, il passe un convoi toutes les 5 à 7 minutes donc, si l'on veut avancer, inutile de s'attarder quand les barrières sont enfin ouvertes sous peine de ressembler à un bovidé pendant de longues heures.
Un petit aperçu "silencieux" pour le bien de toutes les oreilles.
Enfin, la barrière relevée, tous les voyants sont au vert pour se poser quelques centaines de mètres plus loin dans la ville fantôme d'Amboy. Le Roy's Café, tout aussi mythique que le Bagdad Café immortalisé dans le film éponyme de 1988 de Percy Adlon, sur cette même route 66 ... information pour les cinéphiles... nous accueille dans une ambiance des années 50.
C'est au début du siècle dernier qu'Amboy a connu un véritable boom économique avec le passage de la route 66. Aéroport, garage, café, école, église, cimetière, toute la cité grouillait de vie avec plusieurs centaines d'âmes. En 1938, Roy Crowl ouvre une station service. Pendant de longues années, c'était le seul endroit du désert où l'on pouvait se ravitailler en essence. Puis en 1940, associé à sa femme et son gendre, il ouvre un café, un garage et un motel constitué de petits bungalows. Cet âge d'or a duré jusqu'en 1972, date à laquelle l'ouverture à la circulation de l'Interstade 40 a contourné la localité. Depuis, Amboy s'est endormi malgré quelques soubresauts d'activités offrant aux touristes, motards ou non, un accueil apprécié au milieu du désert, rythmé par le passage des trains sur la voie ferrée voisine.
Après presque 350 km sur notre bécane, cette pause est la bienvenue pour se dégourdir les gambettes et se rafraîchir le gosier!
Nous sommes dans un univers totalement nouveau où tous les codes sont présents bien que n'étant plus que la vitrine d'antan......
- l'enseigne
- la pompe à essence
- le motel en arrière plan hébergeant régulièrement des expositions.
- le château d'eau en ferraille un peu rouillée comme il se doit
- même le van décoré d'une pin-up
- et l'interminable Mother Road
A l'intérieur du café, l'ambiance est un peu élimée mais joviale.
Impossible de passer à coté de la dégustation de la bière "Route 66" qui, bien que n'étant pas une connaisseuse aguerrie, est assez imbuvable et n'a de bière que le nom!
Pendant que le groupe se repose et se photographie en compagnie de la patronne qui ne semblait pas insensible au charme d'un de nos garçons, je pars explorer les environs intriguée par une silhouette étrange se détachant sur l'horizon on ne peut plus plat de l'autre coté de la route. Ce n'est ni un réverbère, ni un poteau alors qu'est-ce que ça peut bien être?
En m'approchant je distingue un sapin mort surplombant cet improbable édifice composé d'une accumulation d'objets aussi disparates que surprenants.
En fait, c'est une autre version du Tree Shoes sur lequel chaque voyageur peut laisser la trace de son passage, pas toujours très ragoûtante, sur la route mondialement connue.
Après ce dernier arrêt réconfortant, nous arrivons à Needles pour passer la nuit. Cette ville porte bien son nom dominée par des aiguilles rocheuses.
A l'accueil de l'hôtel de Los Angeles, le matin de notre départ, nous avions rencontré une américaine sympathique buvant son café matinal. Lorsque je lui avais expliqué notre périple, elle s'était extasiée avec force sur les merveilleux sites que nous nous apprêtions à découvrir mais elle avait bloqué sur Needles, extrêment surprise en nous demandant pouquoi nous nous arrêtions à cet endroit, nous répétant: "Needles, bullshit!!!". La traduction littérale de ce mot étant ... merde de bison ou de taureau! Et bien vous savez quoi? Elle avait raison car il n'y a absolument rien à faire ni à voir mais faut bien faire étape quelque part pour dormir.
Les hasards des rencontres sont aussi facétieux pour nos motos puisque elles ont côtoyé le long d'un trottoir, une de leurs ancêtres, une Harley-Davidson Electra Glide d'une cinquantaine d'année! qui a dit que les motards étaient des "bourrins" peu soigneux?
La route du lendemain nous conduira de Californie en Arizona pour en prendre encore plein les yeux.....