6 - Les Motoschats en road trip sur la Côte Ouest des USA. De Chinle à Page.
A peine remis des émotions de la veille, nous partons pour le Canyon de Chelly (Tsegi en Navajo se traduisant par canyon rocheux).
Situé au Nord-Est de l'Arizona en terre Navajo, il est composé de deux canyons se rejoignant sur le coté Est en formant un Y. Au Sud, le Canyon de Chelly proprement dit, d'une longueur de 40 km et au nord, le Canyon del Muerto long de 50 km. Ses falaises revêtues d'une incroyable palette d'ocres atteignent 300 m.
Les premiers occupants des lieux ont été les Anasazis, du début de l'ère chrétienne jusque vers 1300 ans. Ces amérindiens ont laissé de nombreux vestiges, témoignages d'une maîtrise absolue de la céramique, du tissage, de l'irrigation avec une expression picturale très riche. Les Hopis sont leurs descendants directs.
Les Navajos ont pris possession des lieux à partir de 1700 en pratiquant une agriculture rudimentaire et faisant paître leur troupeaux au fond de la vallée.
Ce canyon est reconnaissable entre tous grâce à sa spectaculaire flèche de grès s'élevant à plus de 229m. Elle est devenue l'emblème officieux du lieu.
Selon les croyances navajos, le plus haut piton rocheux serait la maison de la grand-mère araignée d'où son nom:
S'étant un peu éloignés du brouhaha polyglotte indissociable du flot de touristes, nous sommes rapidement envahis par une plénitude rarement ressentie jusqu'à présent. A défaut de retransmettre cette sensation, les images emprisonnées dans nos appareils présentent un lieu hautement symbolique.
Si nous n'avons rencontré aucun amérindien, nous avons pu observer quelques uns de leurs chevaux paissant librement au fond des gorges.
En 1805, un épisode dramatique du conflit opposant Navajos et Colons espagnols se déroula dans le Canyon de la Muerte. Un détachement de soldats, sous le commandement du lieutenant Antonio Narbona, pourchassèrent les indiens jusqu'à une caverne où ils avaient tenté de trouver refuge. Acculés sans pouvoir s'échapper, il y eut 115 tués dans la "Massacre Cave". Aujourd'hui, il n'est pas rare d'entendre des mélopées navajos s'élevant des profondeurs au soleil couchant, prières pour le repos des âmes de leurs ancêtres disparus.
Les Esprits flottant entre les rochers nous ont-ils remerciés de notre silence respectueux envers les victimes du massacre en faisant tomber sur nous un voile de zénitude? Nous ne le saurons jamais mais nous sommes tous repartis le coeur léger.
Sur le chemin du retour, quelques yuccas et cactées nous saluent de leurs fleurs aux couleurs intenses, une façon de rivaliser avec les couleurs somptueuses de l'environnement se déclinant du rouge à l'orangé.
Au cours d'un ravitaillement, impossible d'ignorer les énormes camping-cars ...
... et les puissants attelages qui tractent des caravanes impressionnantes ...
... tous cousins des mobil-homes européens! Difficile de penser qu'un seul point d'ancrage, même de taille, permet de tracter des engins pareils!
Il est vrai que les routes s'y prêtent.
En traversant le paysage, sous un ciel changeant, nous nous rendons bien compte des difficultés économiques dans lesquelles vivent les habitants. Nombreux sont les baraquements faits de matériaux divers de récupération plutôt que de réelles maisons.
Il n'est pas rare, d'observer des constructions circulaires en bois au milieu d'un groupe d'habitations. Ce sont les salles de prière.
Enfin, après avoir essuyé quelques gouttes, la route 163 nous amène dans un décor de cinéma mondialement connu grâce aux westerns de John Ford.
A la frontière de l'Arizona et de l'Utah, Monument Valley est caractérisé par un ensemble unique de vastes buttes de grès géomorphologiques s'élevant jusqu'à 300m sur un plateau érodé aux couleurs flamboyantes sous le soleil, dues aux oxydes de fer et de manganèse contenus dans la roche. Joli panorama pour un arrêt pique-nique!
La vallée est située à une altitude variant de 1500m à 1800m d'altitude selon les endroits. Les indigènes ont baptisé cet endroit Tsé Bii' Ndzisgaii, "la vallée des rocs". il n'est pas rare de rencontrer des formations rocheuses surréalistes ébauchant la silhouette d'un animal ou d'un objet d'où leur nom très imagé: "Les Trois Soeurs", "La Botte de Cowboy", "Le Grand Chef Indien"...etc.
Le paysage le plus connu, parce que présent sur toutes les cartes postales, est la vue sur Merrick Butte, East Mitten Butte et West Mitten Butte. Il est possible de s'approcher de ces géants de pierre sur une pistes réservée aux 4 X 4 quand on a le temps de flâner.
Évidemment, un sympathique navajo habillé aux couleurs de sa tribu, se prête au jeu des poses photographiques avec les visiteurs moyennant quelques dollars.
Parmi toutes les babioles offertes aux yeux et aux bourses des touristes dans les boutiques, nous avons déniché une carte des USA mentionnant les territoires des nombreuses tribus amérindiennes.
Après avoir imaginé John Wayne, Kirk Douglas et bien d'autres chevauchant à bride abattue autour de ces buttes mythiques, même si beaucoup de scènes ont été tournées en studio avec des décors de carton-pâte, nous reprenons la route jusqu'à notre dernière étape de la journée, le Lake Powell.
Pour répondre à la demande d'un ami ayant vécu des années aux USA et 10 ans à Los Angeles, nous nous arrêtons en chemin à Holbrook, pour satisfaire sa demande de photo à la recherche du Hat Rock Inn Motel. Nous n'avons pas mis longtemps à trouver l'adresse grâce à la serviabilité d'un habitant. A quelques centaines de mètres de la route, nous approchons du bord de la rivière San Juan aménagé en aire de pique-nique pour les clients du motel et...Bingo!
Cette visite inopinée est pour les fans absolus d'un motard déjà rencontré sur notre route.Qui? Un indice peut-être...
Et oui, notre Johnny national avait l'habitude de séjourner ici quand il était de passage dans la région. Sa dernière femme a fait poser une plaque à sa mémoire à coté de la chambre 113 qu'il occupait à chacune de ses visites.
Seuls les français et quelques belges s'arrêtent comme nous l'avons fait car le chanteur est totalement inconnu des américains mais le barman du Motel, toujours étonné par ces curieux visiteurs, ne s'en plaint pas vraiment!
Après ce court intermède qui nous a permis de nous dégourdir les jambes, nous nous acheminons vers la fin du périple du jour.
Roulant sur les routes de l'Utah, nous approchons peu à peu du Glen Canyon en suivant l'une des innombrables retenues d'eau provoquées par le barrage achevé en 1963 sur le fleuve Colorado.
Visible de loin en haut à gauche sur la première photo, il a demandé 8 ans de construction pour ses dimensions colossales, 216m de haut et 500m de long. Le premier dynamitage donnant le coup d'envoi des travaux a eu lieu en direct du Bureau Ovale de la Maison Blanche par le président Eisenhover en 1955.
Glen canyon ne fût pas le seul à être inondé, pas moins de 96 canyons adjacents se sont retrouvés sous les eaux, ce qui explique le gigantisme du lac artificiel.
Le barrage se trouve en Utah mais l'essentiel du Lac, long de 300 km, se trouve dans l'Etat de l'Arizona. Il doit son nom au Major John Wesley Powell qui a été le premier explorateur à descendre le fleuve Colorado avec plusieurs hommes d'équipage. C'est ainsi qu'il a découvert le Glen Canyon en 1869. Son périple fût meurtrier puisque moins de la moitié des hommes embarqués arrivèrent jusqu'à l'Océan Pacifique.
Toute la rive gauche du lac se trouve sur le territoire de la nation autonome Navajo. Régulièrement, ils descendent leurs troupeaux de moutons afin qu'ils puissent boire de l'eau fraîche.
Quelques chiffres pour décrire le lac Powell
- superficie: 655 km2 soit six fois la surface de Paris.
- rivage: 3 136 km, plus long que la Côte Ouest des USA, c'est dire s'il est sinueux!
- profondeur: maximum 170 m
- capacité: 34 milliards de m3
Il a fallu plus de 17 ans pour que le lac se remplisse d'eau translucide. Elles sont le lieu privilégié pour de nombreuses activités nautiques. C'est une zone de loisirs très fréquentée.
Nous faisons halte aux abords de la Marina de Wahweap. Ce mot amérindien signifie "eaux saumâtres", terme qui est resté malgré la limpidité des eaux turquoises. Du Scenic View, nous surplombons les énormes bateaux, lieux de villégiatures de riches américains venant se détendre pour un week-end ou plus.
Honnêtement, cet espace concentrationnaire de mobil-homes nautiques à touche-touche, amarrés à l'année sans pouvoir bouger ne nous a pas vraiment impressionnés. Nous avons plutôt été sensibles à la laideur qu'il conférait au lieu. Un peu comme le port de St Tropez en plein été, sans en avoir le charme.
Nous avons pu assister au départ d'une famille emportant avec elle son hors-bord lui permettant des expéditions dans les grottes du lac. Aucun souci pour manoeuvrer sur une rampe de mise à l'eau aussi vaste!
Une dernière merveille de la nature nous attend à quelques kilomètres de notre destination.
Le Horseshoe Bend (la courbe en fer à cheval) est le nom donné à un méandre du Colorado qui s'enroule autour d'un énorme rocher. Ce site n'est fréquenté que depuis une quinzaine d'années. Ses abords ont subit de nombreux travaux permettant son accès aux visiteurs. Néanmoins, l'endroit reste dangereux. Chaque année, on déplore au moins une chute mortelle mais en restant prudent, on peut jouir d'une vue fantastique.
Des bateaux s'amusent dans une ronde infernale autour du piton rocheux.
Notre journée extraordinaire se termine à Page où nous prenons un repas dans un BBQ au sol jonché d'épluchures de cacahouètes. Recommandation de la maison ... on grignote les graines et on jette les gousses à terre. L'activité tourne à plein régime et les grillades sont délicieuses.
Que demander de mieux avant de repartir le lendemain pour de nouvelles aventures, sinon de souscrire à la tradition....mettre sa tête dans le trou d'une image et transformer son cheval de fer en cheval ... de carton? A poor alone cow-boy!