"Ma vie avec Mozart" d'Éric-Emmanuel Schmitt

Éditions Albin Michel - 2005 - 166 pages 

ISBN : 9782226168207

 L'auteur :

Né en 1960 à Sainte-Foy-lès-Lyon, Éric-Emmanuel Schmitt est un écrivain, dramaturge de nationalité franco-belge. Normalien, agrégé de philosophie et ayant enseigné pendant huit ans, il est connu pour avoir écrit "Le Cycle de l'Invisible" auxquels appartiennent les célèbres "Oscar et la Dame Rose" et "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" avec des adaptations cinématographiques. Son immense œuvre est connue dans une cinquantaine de pays, traduite dans autant de langues.

Romans, théâtre, autofiction, nouvelles, aucun moyen d'exprimer sa pensée n'a de secret pour lui.

 4° de couverture :

Un jour, Mozart m'a envoyé une musique. Elle a changé ma vie. Depuis, je lui écris souvent. Quand ça lui chante, il me répond, toujours surprenant, toujours fulgurant.

 Mon avis :

 J'ai lu ce livre à sa sortie en 2005 et j'ai éprouvé le besoin de m'y replonger aujourd'hui. Il y a des ouvrages que l'on peut reprendre indéfiniment en y puisant toujours quelque chose de nouveau en fonction de son état d'esprit ou de sa maturité. Longtemps, j'ai été à l'affût des parutions d'Éric-Emmanuel Schmitt étant une inconditionnelle de son univers, séduite par sa façon claire et circonspecte de mettre la philosophie à la portée de tous, débarrassée de toute fioriture superflue dont aiment se parer les supposés "intellectuels".

 Après quelques romans insatisfaisants, j'ai eu besoin de retrouver une plume en laquelle j'ai toute confiance, qui m'a toujours accompagnée de loin en loin, même après l'avoir un peu délaissée. Nouvelles, romans, théâtres, j'ai exploré beaucoup de facettes du talent de cet auteur. Le hasard (mais en est-ce un ?) a voulu que je revois récemment l'excellent film de Milos Forman de 1984 "Amadeus" qui, hormis le rire frénétique et crispant de Tom Hulce, m'a toujours enchantée. Sans doute, ce clin d'œil a dirigé mon choix sur "Ma vie avec Mozart", épisode autobiographique dans lequel Éric-Emmanuel Schmitt se livre sur le ton de la confidence en partageant des périodes difficiles de sa vie, enveloppé par la musique bienveillante du grand compositeur de Vienne.

 L'originalité du récit réside dans sa présentation, une forme épistolaire entre l'écrivain et Mozart. L'un écrit des missives qui peuvent être espacées de plusieurs années, le second répond par des compositions musicales entendues au hasard de la vie du premier, un fond sonore dans un magasin, une mélodie s'échappant d'une radio dans un taxi, une musique d'attente au téléphone, etc. L'écrivain en quête de réconfort les interprète à sa façon. Wolfgang prend toute la place et plus encore. 

 Pour aider le lecteur à suivre cette passionnante histoire d'admiration/amitié à plus de deux siècles d'écart, un CD de morceaux choisis est fourni avec le livre et, en marge du texte, sont signalés les moments où les écouter. Ceux qui ne sont pas habitués à la musique classique ou ceux qui ne sont pas adeptes de cet art peuvent être rebutés et, déroutés par cette méthode, hésiter de se lancer à la découverte de cet ouvrage. Qu'ils se rassurent, les extraits musicaux excèdent rarement trois minutes trente et le livre peut très bien se suivre sans écoute. Cependant, passer outre ampute le récit de l'essence même de sa singularité. Les descriptions des états d'âme de l'auteur, comme celles des compositions de Mozart aident au lâcher-prise pour laisser sa sensibilité s'épanouir et prendre le contrôle. Plusieurs fois, j'ai senti mon âme caressée par les notes du grand Amadeus. Des vagues d'émotions ont submergé mon corps détendu, confortablement lové dans un canapé, les écouteurs sur les oreilles pour respecter l'intimité de ses échanges, comme l''Ave verum corpus entonné par une chorale, dans le vent et la neige, au pied de la cathédrale Saint-Jean que je connais bien, nichée au cœur du Vieux Lyon. Et ça m'a fait un bien fou !

 Dans cette chronique, j'avais prévu de m'attarder sur les divers épisodes importants marquant la rencontre de l'auteur avec Mozart, le réconfort apporté, la libération de certaines tensions comme l'idée du suicide adolescent, la perte d'amis atteints du sida, maladie non encore stabilisée par la trithérapie, et bien d'autres choses encore. Puis, au moment de m'exécuter, je me rends compte que ce "décorticage" est vain. La seule chose qui importe est l'émotion qu'apporte la musique et cette prouesse de l'auteur de transformer les notes en mots pour apaiser ses maux.

 Je recommande donc aux curieux, sensibles, amoureux de l'univers d'Éric Emmanuel Schmitt et de Mozart, ou pas, de tenter l'expérience d'un livre qui s'écoute.

 Quelques lignes empruntées à l'écrivain me permettront de conclure :"Un chanteur de variétés, émerveillé par lui-même et le succès de ses chansonnettes, disait hier à la télévision en flattant son piano laqué blanc : "J'écris avec les mêmes notes que Mozart." J'espère que tu en as ri autant que moi, puis que cela t'a fait réfléchir tant l'imbécillité touche parfois au génie. Oui, le chanteur [...] soulignait un point essentiel : il ne compose qu'avec sept notes, comme toi. Seulement, chez lui, ça s'entend..." Cette anecdote amusante m'a révélé une pensée qui m'habite depuis que je suis une bibliophage assumée, sans l'avoir vraiment formulée ; tous les écrivains francophones utilisent les mêmes 26 lettres pour former des mots, et pourtant...!

 J'ai connu un moment de grâce, "une vibration de l'âme" selon Éric-Emmanuel Schmitt, qui me manque trop souvent. Que ce soit pour l'auteur, le compositeur ou les deux intimement liés par le texte, j'ai eu un immense coup de cœur pour ce livre que je relirai certainement encore !