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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
21 juin 2022

"Un goût de cannelle et d'espoir" de Sarah McCoy

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 Éditions Pocket - 2015 - 511 pages

 Édition originale : Les Escales - 2012 - 

 Titre original : The baker's daughter

 Traducteur : Anah Riveline - anglais (USA)

 

 

 

 

 

 L'auteur :

 

Sarah McCoy

 

Sarah McCoy est née en 1980 dans le Kentucky aux États-Unis. Elle a beaucoup voyagé dans son enfance au gré des affectations de son père militaire. Ayant vécu en Allemagne, elle connaît bien ce pays pour y être retournée de nombreuses fois. Aujourd'hui, elle vit à El Paso au Texas en partageant son temps entre l'enseignement de l'écriture à l'université et la rédaction de ses romans. Ses thèmes privilégiés sont l'Histoire avec, entre autres, la Seconde Guerre mondiale, le nazisme, la protection des enfants juifs, la famille, les orphelins et l'esclavage. "Un goût de cannelle et d'espoir est son premier ouvrage publié en français.

 

 

 4e de couverture :

Allemagne, 1944. Malgré les restrictions, les pâtisseries fument à la boulangerie Schmidt. Entre ses parents patriotes, sa sœur volontaire au Lebensborn et son prétendant haut placé dans l'armée nazie, la jeune Elsie, 16 ans, vit de cannelle et d'insouciance. Jusqu'à cette nuit de Noël, où vient toquer à sa porte un petit garçon juif, échappé des camps...

Soixante ans plus tard, au Texas, la journaliste Reba Adams passe devant la vitrine d'une pâtisserie allemande, celle d'Elsie... Et le reportage qu'elle prépare n'est rien en comparaison de la leçon de vie qu'elle s'apprête à recevoir.

 

 Mon avis :

 Mélangez dans un récipient, une large dose d'Histoire imbibée d'injustices et de souffrances avec la même quantité de courage. Ajoutez à parts égales le présent et le passé. Battez l'appareil vigoureusement en incorporant un filet régulier de bonne humeur et de joie. Terminez par un soupçon de sucre et de cannelle afin d'adoucir l'amertume inhérente aux proportions de l'appareil et d'obtenir une saveur agréable. Enfournez un temps suffisant de lecture. Vous obtenez une gourmandise farouchement tournée vers l'espoir, aux teintes acidulées recouvrant le rouge et le noir des horreurs de la dictature.

 "Un goût de cannelle et d'espoir" est un roman choral à travers le temps. D'une part, la jeunesse d'Elsie dans la boulangerie familiale où plane le fumet délicieux de petits pains savoureux et de viennoiseries dorées, comme un pansement permettant de supporter les privations et le joug inconscient de la doctrine nazie. D'autre part, sa fin de carrière, dans la boulangerie allemande qu'elle a créée au cœur du Texas afin de proposer aux Américains les saveurs de son enfance, comme un remerciement inconscient d'avoir su lui offrir un avenir serein.

 Quel plaisir de découvrir cette plume alerte et décidée. Sarah McCoy n'a eu aucun mal à m'emporter dans le quotidien de braves allemands rêvant, comme tout parent, de voir leurs deux filles trouver le bonheur et la sécurité en respectant la doctrine en place. Cette affirmation peut paraître aberrante maintenant que l'on connaît l'Histoire, mais lorsque la propagande est si bien organisée en ne révélant que les avantages de la situation imposée et en occultant les atrocités perpétrées par ailleurs, rien ne semble plus naturel que d'œuvrer pour le bien-être de son pays et de sa famille. Sans être endoctrinés, ils sont conditionnés à accepter le contexte sans remise en question par manque d'informations : la suprématie des nazis, l'autorité des gradés, la folie des lebensborns, etc.

 L'échange épistolaire qu'entretient la fille aînée Hazel avec sa famille est émouvant à plus d'un titre. Partie accomplir son devoir dans une de ces "usines à bébés", cette jeune mère, attentive au devenir de ses enfants, exprime l'effritement de ses convictions au fur et à mesure que le temps passe. Elsie, quant à elle, a toujours été un peu rebelle et sa relation amoureuse avec un gradé nazi n'aplanit guère les interrogations qu'elle se pose. L'arrivée dans sa vie de Tobias, petit garçon juif à la voix d'ange, lui révèlera la capacité de faire preuve d'un courage insoupçonné.

 Je suis beaucoup plus mitigée quant au personnage contemporain de Reba Adams, la journaliste chargée du reportage sur la boulangerie atypique allemande. Cette jeune femme, tourmentée par des problèmes existentiels sur sa vie de couple, offre une image contrastée avec le quotidien de la jeune Elsie n'écoutant que son sentiment de justice pour sauver une vie au péril de la sienne et celle de sa famille. Ses tergiversations infinies m'ont quelque peu agacée. Son fiancé garde-frontière, Riki Chavez, est plus attachant par le regard qu'il pose sur son métier, regard de plus en plus critique, partagé entre l'application intransigeante de la loi et l'inhumanité qu'elle représente pour beaucoup de migrants. Comment échapper au parallèle évident entre la surveillance des frontières pour endiguer l'envahissement du pays par des étrangers et le rôle des nazis veillant jalousement à préserver la race aryenne, "pure" de tout gène décadent ? Dans un cas comme dans l'autre, est-il suffisant d'évoquer le devoir d'obéissance, à une doctrine ou à ses supérieurs, pour justifier des actes pouvant infliger les pires souffrances jusqu'à provoquer la mort ? N'est-ce pas une façon pudique de se voiler la face sur les conséquences de ses choix ?

 En refermant ce livre, où les femmes laissent peu de place aux rôles masculins, je m'aperçois que j'ai beaucoup plus apprécié la période 1944 à celle de 2007. Il existe beaucoup d'écrits, romancés ou non, sur cette période tragique de l'Histoire, mais fort peu relatent la vie des Allemands non-nazis, en constante survie au sein du régime dictatorial. Sarah McCoy signe là, un premier roman de poids basé sur un travail documentaire impressionnant qui, malgré le contexte, met l'eau à la bouche. D'ailleurs, pour ne pas laisser les gourmands sur leur faim, elle termine par les recettes des différents produits aux noms étranges... Lebkuchen, Brötchen, Schnecken et autres Matschbrötchen ou Sonnenblumenkernbrot..., qui ont jalonné le roman en faisant saliver le lecteur. Un moment de détente instructif sucré-salé incontestable !

 

 Extraits et citations :

* "Je ne me suis jamais laissée impressionner par les grandes démonstrations de romantisme. L'amour est dans les petites choses, les attentions quotidiennes, la gentillesse et le pardon."

* "Les gens languissent souvent des choses qui n'existent pas, des choses qui ont été, mais qui ne sont plus."

* "- Vous étiez une nazie ?

    - J'étais allemande.

    - Et donc, vous souteniez les nazis ?

    - J'étais allemande, répéta Elsie. Être nazi est un positionnement politique, pas une ethnie. Le fait que je sois allemande ne fait pas de moi une nazie."

* "- Vous avez assisté à des actes de violence ou de barbarie sur des juifs ? demanda Reba en bafouillant légèrement, ne sachant pas comment formuler une telle question.

   - Oui et non, répondit Elsie en plissant les yeux. Quelle différence ? Vous ne saurez jamais la vérité. Si je vous réponds non, est-ce que cela fera de moi une meilleure personne ? Innocente de tout ce que vous comprenez de l'Holocauste et de l'Allemagne nazie ? Mais si je dis oui ? Cela fait-il de moi une méchante ? Est-ce que cela gâche ma vie entière ? [...] Nous nous racontons tous des mensonges sur nous-mêmes, notre passé, notre présent. Nous imaginons que certains sont minuscules, insignifiants et d'autres énormes, compromettants, alors qu'ils reviennent tous au même."

* "À travers les cultures et les générations, ils partageaient une réalité douce-amère : Le Père Noël et ses rennes n'atteignent pas toujours votre cheminée, et la guerre vole jusqu'à l'espoir qu'ils pourraient y arriver."

* "Le droit m'a appris que, en dépit de tous les faits que nous pensons connaître, la vérité peut être une chose incroyablement difficile à saisir. Elle est embrouillée par le temps et l'humanité, et par la façon dont chacun vit sa propre expérience."

* "Elle avait appris que le passé est une mosaïque floue faite de bon et de mauvais. Il fallait admettre sa part dans les deux et s'en souvenir. Si on essayait d'oublier, de fuir ses peurs, ses regrets et ses fautes, ils finissaient par vous retrouver et vous consumer [...]."

 

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