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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
15 août 2022

"La commode aux tiroirs de couleurs" d'Olivia Ruiz

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 Éditions Le Livre de Poche - 2021 

 180 pages

 Édition originale : JC Lattès - 2020

 ISBN 9782253079651

 

 

 

 

 L'auteur :

 Née en 1980 à Carcassonne, Olivia Blanc, a pris comme pseudonyme le nom de jeune fille de sa grand-mère Ruiz pour lui rendre un bel hommage. Le public l'a découverte comme chanteuse dans la première émission télévisée de Star Academy où elle ira jusqu'en demi-finale. Vivant depuis son plus jeune âge dans le milieu de la musique, elle s'évertuera à s'émanciper de l'image que la téléréalité musicale lui fait endosser. Elle a remporté plusieurs récompenses, Victoires de la Musique, Disque de Diamant, Globe de Cristal. Voulant explorer d'autres horizons, elle se glisse dans quelques rôles de fiction. En 2020, elle livre son premier roman inspiré de son histoire familiale.

 

 4e de couverture :

"Parce que c'est ça que je veux que tu retiennes. Nos couleurs. Chaudes, franches. Je veux que ces femmes si différentes, si vivantes, si complexes qui composent ton arbre généalogique puissent t'inspirer et t'aider à savoir qui tu es, le fruit de quels voyages et de quelles passions."

À la mort de Rita, surnommée "l'Abuela", sa petite fille hérite de l'intrigante commode qui avait nourri toute sa curiosité et son imagination enfantines. 

Le temps d'une nuit, ouvrant ses dix tiroirs, elle découvre les secrets qui ont scellé le destin de plusieurs générations de femmes, entre l'Espagne et la France, de la dictature franquiste à nos jours. Dans ce brillant premier roman, Olivia Ruiz révèle son formidable talent de conteuse et nous offre une fresque flamboyante sur l'exil.

 

 Mon avis :

 Si j'apprécie moyennement la voix d'Olivia Ruiz, j'ai toujours savouré ses textes. Il était donc naturel que je lise son premier roman. Et je n'ai pas été déçue. Ce petit bijou explore la vie sans concession de ses origines en prenant des chemins de traverse pleins d'amour, de malheurs, de joie et de tristesse. Il est peuplé de femmes fragiles et fortes à la fois, des combattantes comme je les aime et je les admire avec son personnage phare L'Abuela !

 L'autrice retrace, à la manière d'une conteuse, le parcours romancé de sa grand-mère, alors fillette de 10 ans, fuyant la dictature de Franco, traversant tant bien que mal les Pyrénées pour finir parquée dans un camp comme des milliers d'autres espagnols. Humiliés et rejetés par la population française, inquiète de voir déferler ce nombre considérable de nouvelles bouches à nourrir, en pleine crise économique provoquée par les restrictions dues à la Seconde Guerre mondiale, les réfugiés transpyrénéens devaient déployer des trésors d'ingéniosité pour se faire accepter. 

 L'écriture est agréable, belle, riche et affirmée. Elle résonne des accents du Sud et éclabousse de soleil, même si le Bonheur n'est pas à chaque croisée des chemins. La jeune Rita est à l'image de son éblouissante compatriote, la grande Carmen de Bizet, amoureuse et fière de sa liberté, ce qui ne l'empêche pas de laisser son cœur s'ouvrir à l'Amour. Son destin ne sera pas aussi tragique, quoique difficile et peu clément en encaissant plusieurs séparations et rejets successifs. Celui de sa terre d'accueil d'abord, puis l'indifférence de son parent de Narbonne et enfin, l'éloignement de sa grande sœur. Sa force innée lui permet de surmonter les obstacles depuis sa plus tendre enfance, elle l'aidera à ne pas perdre de vue ses objectifs. Combattant la difficulté de l'intégration, elle construit son avenir et celui de sa famille, pierre après pierre, respectant le devoir de transmission tout en gardant pour elle la douleur du déracinement.

 Avec ce récit aussi beau que difficile, Olivia Ruiz livre une partie d'elle-même avec tant de fougue et de sincérité qu'elle a su me toucher profondément. Je n'ai pu le poser que lorsqu'il ne restait plus de pages à tourner, le cœur en miette et, paradoxalement, gonflé de gratitude et de sérénité avec, en tête, la chanson écrite par Jacques Brel en 1956, "Quand on n'a que l'amour." Je ne m'attendais pas à avoir un nouveau coup de cœur et pourtant...

 La suite, "Écoute tomber la pluie", ne va pas m'échapper aussi longtemps que "La commode...". Olivia Ruiz a su me séduire par le ton enjoué, virevoltant, direct et généreux de son récit, alors il serait dommage de me priver du plaisir de retrouver le cocon des descendants de L'Abuela !

 

 Extraits et citations :

* "Mieux vaut croire au Père Noël et souffrir d'apprendre son inexistence que de ne pas goûter au plaisir de la rêverie infinie qu'il engendre [...]"

* "C'est si facile de partir quand on ignore que c'est pour toujours."

* "Les lois intra-muros ne sont pas les lois de la rue, ni les lois universelles, ce n'est pas la liberté. La liberté, c'est être soi-même dedans et dehors."

* "Maman, un secret, c'est fait pour être tu, c'est son essence même. Le révéler, c'est rompre son existence, le faire partir en fumée, et là, la vengeance du secret peut devenir terrible [...]"

* "Quand je suis retournée en Espagne après la mort de Rafael, j'ai constaté que la rue de mon ancienne école avait été rebaptisée du nom du général qui avait mis la tête de mes parents à prix. Cette rue porte toujours son nom aujourd'hui, n'est-ce pas complètement fou ? Oui, c'est comme ça que j'ai compris pleinement cette forme de guerre que l'on appelait "la guerre civile". Les perdants ne rentrent pas chez eux, pas plus que les gagnants, non, non. Les gagnants, les perdants se les coltinent et les regardent silencieusement frimer dans leurs rues."

* "Le souvenir, c'est bien quand il te porte. S'il te ralentit ou même te fige, alors il faut le faire taire. Pas disparaître. Juste le faire taire, car, à chaque moment de ta vie, le souvenir peut avoir besoin que tu le réveilles pour laisser parler tes fantômes. Ils ont tant de choses à nous apprendre si on se penche un peu sur ce qu'ils nous ont laissé."

* "Pour moi comme pour beaucoup d'immigrés, qui ne sont ni d'ici ni de là-bas, le voyage est une autre résidence, comme la langue est une maison. Le mouvement, chez moi, est un ancrage. Entendre et parler espagnol en revanche, c'est fredonner l'air de ma première berceuse. C'est redevenir l'enfant que j'ai été, c'est être au plus près de ce que je suis. Avant que la vie ne m'esquinte."

* "Parce que je sais que se construire avec une histoire, même riche de blessures autant que de joies, d'épreuves surmontées comme des miracles accueillis, c'est une chance."

* "Heureusement que la vie va vite au café. On n'a pas le temps de s'apitoyer. Sauf sur le sort de ceux qui nous confient leurs chagrins et qui comptent sur nous pour en prendre soin. Ils sont nombreux de l'autre côté du comptoir." 

 

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