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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
24 octobre 2022

"Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de Harper Lee

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 Éditions Le Livre de Poche - 2013 - 449 pages

 Édition originale : Éditions de Fallois - 2005

 Titre original : To kill a mockingbird - 1960

 Traducteurs : Mme Stoïanov, actualisée par Isabelle Hausser - Anglais (USA)

 ISBN 9782253115847

 

 

 

 

 

 L'auteur :

lee harper Harper Lee est une romancière américaine née en 1928. Native de l'Alabama, elle a vécu toute son enfance dans les États-Unis ségrégationnistes. En 1945, elle interrompt ses études de Droits pour s'installer à New-York avec l'idée de devenir romancière. Elle effectue un travail de recherche et de documentation pour son ami Truman Capote et l'assiste dans la rédaction de son quatrième roman, "De sang froid" (1965) qu'il lui dédicacera.

 Le mystère qui entoure sa vie donne lieu à une multitude de suppositions et de rumeurs colportées par les médias. En 1960, paraît son premier livre "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" dans lequel elle appelle à la reconnaissance des droits civiques des Afro-Américains ainsi qu'à l'abolition de toute forme de discrimination. Il connaît un succès immédiat et son auteure est récompensée par le Prix Pulitzer l'année suivante.

 Elle surprend tout le monde en publiant une suite, "Va et poste une sentinelle", après 55 ans de silence. C'est son deuxième et dernier roman puisqu'elle disparaît quelques mois plus tard.

 

 4e de couverture :

Dans une petite ville d'Alabama, à l'époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. 

Ce bref résumé peut expliquer pourquoi ce livre, publié en 1960 - au cœur de la lutte pour les droits civiques des Noirs -, a connu un tel succès. Mais comment est-il devenu un livre culte dans le monde entier ? C'est que, tout en situant son sujet en Alabama dans les années 1930, Harper Lee a écrit un roman universel sur l'enfance. Racontée par Scout avec beaucoup de drôlerie, cette histoire tient du conte, de la court story américaine et du roman initiatique.

Couronné par le Prix Pulitzer en 1961, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur s'est vendu à plus de 30 millions d'exemplaires dans le monde entier.

 

 Mon avis :

 Comment ai-je pu passer si longtemps à côté de ce roman parlant d'une période et d'une situation qui m'ont toujours interpellée ? Devenu un classique de la littérature américaine, "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" est un roman parlant de la ségrégation raciale, époustouflant de courage par la période de sa parution, marquant ainsi publiquement les convictions de Lee Harper. En effet, si l'autrice a situé l'intrigue au début des années 30, le livre, lui, est paru en 1960, époque particulièrement orageuse avec l'émergence de Martin Luther King, soutien de Rosa Parks militante NAACP, mouvement d'émancipation des Noirs américains.

 Pour un premier roman, le thème est aussi audacieux que la plume de l'écrivaine est virtuose à décrire un Sud-Américain engoncé dans son passé esclavagiste, raciste plus par tradition réflexe que par conviction politique. Avec finesse, elle choisit une approche pédagogique pour permettre à tous de comprendre les messages qu'elle veut partager.

 Le titre est déjà une invitation à la réflexion, utilisant la métaphore de l'oiseau moqueur dont il sera fait référence, à plusieurs reprises, dans l'histoire. Le "mockingbird" ou "mime polyglotte" doit son nom à sa faculté d'imiter toutes sortes de chants et de cris. La légende dit qu'il serait l'inventeur du langage et aurait appris à chanter à tous ses congénères à plumes, ce qui donne à ce volatile mythique des États-Unis, un statut précieux d'espèce intouchable, à protéger.

 Si la situation gravissime de l'agression d'une jeune femme blanche est le sujet central du livre, elle devient explosive quand l'agresseur présumé est Noir, ouvrant la porte à tous les déchaînements de haine raciale possibles. Cependant, l'autrice ne se cantonne pas à relater un fait divers, certes d'importance, mais déjà décliné de nombreuses fois en littérature, sans grande originalité. Subtilement, elle profite de ce contexte pour aborder des thèmes loin d'être secondaires.

 Tout d'abord, toute l'histoire est contée par Scout, une fillette au regard innocent, dénué de tous préjugés. Ce point de vue original peut déstabiliser au départ, car que représente un viol pour une enfant ? Voilà qui est audacieux ! Le lecteur se laisse prendre par le mécanisme de pensée de la gaminette, très futée. Il suit ses réflexions, issues de ce qu'elle sait et de ses observations, lui permettant de garder une certaine neutralité. Par ce biais, Lee Harper met en évidence les contradictions flagrantes dans le discours de certains personnages ou de leurs communautés et permet d'assister à l'éveil de la conscience de l'enfant vis-à-vis des inégalités flagrantes régnant dans son pays. Ainsi, l'autrice aborde adroitement la question de la condition humaine face à l'injustice qui accompagne l'horreur du racisme.

 Incroyable pour l'époque, "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" effleure également le thème du féminisme. Scout, issue de milieu social aisé, s'affirme en résistant aux normes vestimentaires et comportementales que veut lui imposer sa tante pour répondre aux bonnes règles de la Société. Elle reste libre de son comportement, et de ses pensées, dans sa salopette de sauvageonne, malgré les regards désapprobateurs, en favorisant ses qualités émotionnelles et son jugement.

 À mes yeux, l'humanisme est le thème le plus important abordé, avec comme composantes la tolérance et l'ouverture d'esprit, indissociables l'une de l'autre. Le livre démontre, par des chemins détournés, que l'ignorance est source de peur et souvent de haine, maux qui entraînent la stigmatisation d'un individu ou d'une communauté. Le défaut d'information sur un sujet génère, immanquablement, des apriori et le rejet de toute autre forme de pensées que la sienne. Lee Harper s'applique à illustrer la règle d'or de l'intégrité. On doit rester fidèle à ses convictions, sans céder à la pression du groupe, si tragiquement influente, tout en étant capable d'écouter et d'accepter d'autres points de vue en cherchant à les comprendre.

 Les lectures de cette puissance font prendre conscience de la lenteur de l'évolution des esprits et des mœurs. Ce texte a plus de 80 ans et, à quelques nuances près, il est très actuel. Il évite l'écueil d'être moralisateur, il est à l'image de Scout, optimiste et très fin. Construit sur l'idée que tout homme a un fond de bonté, même caché, et qu'il est maître de ses décisions, il a donc la possibilité d'éviter tout conflit et de vivre en harmonie avec les autres. Cette vision permet de donner de l'espoir en parlant de non-violence, de justice et de respect humain sur la trame de la ségrégation raciale, genrée et sociale.

 Pour prolonger le plaisir, je visionnerai le film aux trois oscars, "Du silence et des ombres" (1962) de Robert Mulligan, adapté du roman et interprété par Grégory Peck.

film du silence et des ombres

 Pour compléter mes connaissances, je ne manquerai pas de lire le second et dernier roman de l'autrice. "Va et poste une sentinelle" reprend la plupart des personnages du premier, 20 ans plus tard. C'est avec plaisir que je me laisserai mener par le garçon manqué métamorphosé en jeune new-yorkaise et la suivrai sur les lieux de son enfance, malgré les suspicions et les rumeurs qui ont déferlé lors de la parution de cet opus.

 

 Extraits et citations :

* "[...] le comté venait d'apprendre qu'il n'y avait à avoir peur que de la peur elle-même."

* "[...] on peut mentir dans certaines circonstances et on doit le faire quand on est impuissant devant les choses."

* "Une salle d'audience est le seul endroit où un homme a le droit à un traitement équitable, de quelque couleur de l'arc-en-ciel que soit sa peau, mais les gens trouvent le moyen d'apporter leurs préjugés dans le box du jury."

 

 

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