Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
1 décembre 2022

"Le livre de ma mère" d'Albert Cohen

IMG_1530

 

 

 

 

 

 

 

Éditions Folio - 2006 - 175 pages

Édition originale : Éditions Gallimard - 1954

ISBN : 9782070365616

 

 

 

 

 

 

 

 L'auteur :

Albert Cohen

Né en Grèce en 1895, Albert Cohen est un écrivain, dramaturge et poète suisse romand francophone. Il arrive en France à l'âge de 5 ans, lorsque ses parents fuient les pogroms. Pendant sa scolarité, il se lie d'amitié avec Marcel Pagnol. Le baccalauréat en poche, il poursuit ses études universitaires en Suisse. Droit puis Lettres, engagé en faveur du sionisme, il prend la nationalité suisse en 1919.

Il occupe plusieurs postes d'importance, tant au niveau littéraire que diplomatique. Parmi tous ses écrits, son œuvre majeure reste "Belle du seigneur" paru en 1968 qui reçoit le Grand Prix du Roman de l'Académie française. Dans les années 1970, il souffre de dépression nerveuse et se laisse aller à des propos misogynes à l'encontre de Marguerite Yourcenar et de Marie Curie. À 81 ans, sa vie s'achève à Genève en 1981.

 

 4e de couverture : 

Peu de livres ont connu un succès aussi constant que Le livre de ma mère.
Ce livre bouleversant est l'évocation d'une femme à la fois "quotidienne" et sublime, une mère, aujourd'hui morte, qui n'a vécu que pour son fils et par son fils.
Ce livre d'un fils est aussi le livre de tous les fils. Chacun de nous y reconnaîtra sa propre mère, sainte sentinelle, courage et bonté, chaleur et regard d'amour.
Et tout fils pleurant sa mère disparue y retrouvera les reproches qu'il s'adresse à lui-même lorsqu'il pense à telle circonstance où il s'est montré ingrat, indifférent ou incompréhensif. Regrets ou remords toujours tardifs. "Aucun fils ne sait vraiment que sa mère mourra et tous les fils se fâchent et s'impatientent contre leurs mères, les fous si tôt punis."

 

 Mon avis :

 Bien que la couverture ne porte pas la mention "autobiographie", Albert Cohen n'a cessé de le revendiquer lors de ses entretiens radiophoniques et télévisés de l'époque. "Le livre de ma mère" est un récit d'amour filial, un récit sur l'amour et sur le deuil, un récit écrit en pleine dépression, frappé de culpabilité. Il se livre à un examen de conscience très critique envers lui-même.

 Au début du livre, l'écrivain fait revivre sa mère morte d'une plume lyrique et poétique, en convoquant ses souvenirs, seul moyen de sentir la présence de sa chère disparue. À la fin de l'ouvrage, il laisse place à sa dépression et son chagrin dans un discours élégiaque exprimant sa culpabilité. Sa mère meurt à Marseille début 1943 et il écrit Chant de mort I en juin de la même année lors de son exil à Londres, loin d'elle. Trois autres Chant de Morts (II, III et IV) suivent jusqu'en mai 1944. Ces ébauches sont la structure de la version définitive, "Livre de ma mère", composée de quatre parties, paru en 1954.

 Les chapitres, constitués de paragraphes courts, sont parfois une litanie consacrée à la douleur de la séparation, parfois une critique acerbe sur son comportement d'enfant gâté, mais surtout un long cheminement avec un questionnement sur la mort et la vacuité des plaisirs de la vie face aux "petits bonheurs" insignifiants sur le moment, qui seront à jamais gravés dans le cœur de ceux qui restent.

 Il y a des années, "Belle du Seigneur" m'avait subjuguée par sa construction littéraire et sa non-action d'une vie monotone, mettant en exergue, par contraste, l'amour parfait et sublime parce qu'inaccessible. Dans "Le livre de ma mère", j'ai retrouvé le phrasé au charme suranné inimitable du début du 20e siècle, plein de tendresse et d'ironie propre à Albert Cohen. "Soudain je la revois, si animée par la visite du médecin venant soigner son petit garçon. Combien elle était émue par ces visites du médecin, lequel était un pontifiant crétin parfumé que nous admirions éperdument."

 Je comprends que certains lecteurs soient déroutés par ce livre, découvrant la longue et interminable jérémiade d'un enfant pourri gâté, devenu un homme capricieux, exprimée dans un style démodé pour le XXIe siècle. Pour moi, je l'ai ressenti comme une thérapie d'Albert Cohen, devant la béance de l'absence, laissée par sa mère, qui était une présence immuable et discrète dans son paysage, un rempart protecteur animé d'un amour profond, indéfectible pour son fils. Il n'est pas toujours tendre avec elle, soulignant ses défauts physiques et ses manières étriquées, détonnant dans le milieu diplomatique aisé qu'il fréquentait. Une phrase m'avait frappée lors d'une interview accordée à Bernard Pivot, pour une émission spéciale Apostrophes en 1977 : "Ce qu'elle avait de particulier, ma mère, c'est qu'elle n'avait pas de Moi. Son Moi, c'était son fils !"

 Bien que remettant le texte dans son époque et son contexte, j'éprouve de la tristesse à voir le pur désespoir dans lequel se noie l'écrivain, sans aucune perspective pour surmonter ce deuil, comme une complaisance dans l'apitoiement sur lui-même. "O toi, la seule mère, mère, ma mère et de tous les hommes, toi seule, notre mère, mérites notre confiance et notre amour. Tout le reste, femmes, frères, sœurs, enfants, amis, tout le reste n'est que misère et feuille emportée par le vent." Cette tirade m'a frappée par son ton obsessionnel, dû à l'égarement où le plonge son chagrin. Bien sûr, la mère occupe une place primordiale dans la vie d'un enfant, même devenu adulte. Qu'elle soit aimante ou indifférente, omniprésente ou absente, elle participe à sa construction. Pourtant, il est dans l'ordre des choses qu'elle disparaisse avant sa descendance. Aussi dur que soit la perte d'une mère, l'avenir est tourné vers les générations futures, c'est l'histoire de la vie de l'humanité.

 Parmi toutes les explications philosophiques que peut induire ce poème de 175 pages, il y a un message simple et basique à en tirer, que l'on ait 20 ans ou 80 ans, c'est de profiter, avec bonheur, du temps que la Vie veut bien nous accorder, à rester aux côtés des personnes que l'on aime. "On se rend compte de l'importance d'une personne dans notre vie, seulement lorsqu'on la perd."

 

 Extraits et citations :

* "On aime être ce qu'on n'est pas."

* "Souris pour escroquer ton désespoir, souri pour continuer de vivre, souris dans ta glace et devant les gens, et même devant cette page. Souris avec ton deuil plus haletant qu'une peur. Souris pour croire que rien n'importe, souris pour te forcer à feindre de vivre, souris sous l'épée suspendue de la mort de ta mère, souris toute ta vie à en crever et jusqu'à ce que tu crèves de ce permanent sourire."

* "Pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance."

* "Le terrible des morts, c'est leurs gestes de vie dans notre mémoire."

* "Avec elle seule je n'étais pas seul. Maintenant je suis seul avec tous."

* "Chaque respiration de moi est une mort qui veut vivre, un désespoir qui fait semblant d'espérer."

* "Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles."

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
  • Les loisirs créatifs comme le tricot, le crochet, la broderie, le modelage, le bricolage, les livres et les voyages sont autant de "fils" à l'arc de mes passions à partager et échanger sans modération
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
20 abonnés
Publicité