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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
3 février 2023

" Le liseur du 6 h 27 " de Jean-Paul Didierlaurent

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Éditions Au Diable Vauvert - 2014 - 218 pages

ISBN 9782546268011

 

 

 

 

 

 

 

 L'auteur :

JeanPaul Didierlaurent

Jean-Paul Didierlaurent, né en 1962, est un nouvelliste et un romancier vosgien. Il découvre le monde des Nouvelles par l'intermédiaire d'un concours en 1997. Certaines lui permettent de remporter le Prix Hemingway en 2010 puis en 2012. " Le liseur du 6 h 27 ", paru en 2014, est son premier roman qui connaît un succès fulgurant et attire les projecteurs sur son auteur. Couronné de nombreux Prix littéraires, il est édité dans 29 pays. Devant l'engouement du public et de la critique, une adaptation cinématographique est envisagée, peut-être verra-t-elle le jour... Jean-Paul Didierlaurent a écrit un total de 8 livres avant de disparaître en 2021, victime du "crabe".

 

 4e de couverture :

"Peu importait le fond pour Guylain. Seul l'acte de lire revêtait de l'importance à ses yeux. Il débitait les textes avec une même application acharnée. Et à chaque fois, la magie opérait. Les mots en quittant ses lèvres emportaient avec eux un peu de cet écœurement qui l'étouffait à l'approche de l'usine."

Employé discret, Guylain Vignolles travaille au pilon, au service d'une redoutable broyeuse de livres invendus, la Zerstor 500. Il mène une existence maussade mais chaque matin en allant travailler, il lit aux passagers du RER de 6 h 27 les feuillets sauvés la veille des dents de fer de la machine...
Dans des décors familiers transformés par la magie des personnages hauts en couleurs, voici un magnifique conte moderne, drôle, poétique et généreux : un de ces livres qu'on rencontre rarement.

 

 Mon avis :

 Devant les apparitions répétées de ce petit livre sur mes différents groupes de lecture, ma curiosité l'a emporté et j'en ai emprunté un exemplaire en médiathèque, fidèle alliée de mon budget lecture ! Certains l'ont adoré, d'autres se sont ennuyés. Moi, je n'avais aucune idée préconçue, souhaitant simplement me laisser porter par l'histoire courte de 218 pages.

 Dès la première page, Guylain, le personnage principal, assume son statut d'anti-héros dont la vie est d'une fadeur désespérante. Célibataire, 36 ans, il supporte mal sa solitude, mais qu'y faire ? Il se confie tous les jours à son fidèle compagnon, Rouget de Lisle... son poisson rouge ! À part tourner en rond dans son bocal et gober les paillettes de nourriture, sa conversation et son interaction avec son maître est quelque peu limitée.

 Depuis l'enfance, Guylain souffre de moqueries, ce qui l'a poussé un peu plus en retrait du monde. Il faut dire que ses parents, peut-être sans le vouloir, l'ont affublé d'une contrepèterie nominale dont il se serait bien passé. Guylain Vignolles ? Les enfants, à la cruauté bien connue et pas toujours gratuite, ont tôt fait de lui trouver un sobriquet qui lui colle à la peau depuis, Vilain Guignol ! 

 Sa passion ? La littérature. C'est la mort dans l'âme, que tous les matins, il actionne un pilon, une énorme machine destinée à déchiqueter des bouquins abîmés, invendus ou oubliés pour les réduire en pâte à papier afin de les recycler. Son quotidien, d'une platitude accablante, s'englue dans une gadoue malodorante, dominée par son chef gueulard et son collègue envieux, affichant un plaisir malsain à la destruction des ouvrages par la voracité de la Chose. " N'oublie jamais ça, petit : on est à l'édition ce que le trou du cul est à la digestion, rien d'autre ! " (Giuseppe). Chaque soir, Guylain chaparde les " peaux vives ", feuillets échappés des mandibules d'acier qu'il lit, chaque matin, dans sa rame de RER en retournant au travail, à la stupéfaction ravie des autres voyageurs.

 Pourtant, Guylain n'est pas tout à fait seul. Il entretient une belle amitié avec Yvon, le gardien en guérite, alexandrophile qui n'hésite pas à déclamer ses vers comme ceux de Racine, Corneille ou Molière avec délice. Ainsi qu'avec Giuseppe, son prédécesseur, cloué dans un fauteuil roulant après avoir subi l'avidité gloutonne de la Chose. Depuis qu'elle lui a dévoré ses jambes, il a l'idée folle de vouloir les retrouver. 

 Jean-Paul Didierlaurent ouvre largement les portes du burlesque avec ce conte contemporain, morne et empreint de lassitude, où il ne se passe pas grand-chose en apparence. Sous le voile de la routine fatiguée, de nombreux personnages vont faire leur apparition et la découverte d'une mystérieuse clé USB va propulser le résigné Guylain dans un monde insoupçonné.

 Dès le début de ma lecture, pourtant assez banale, j'ai ressenti les vibrations provoquées par l'humour susurré de l'auteur. Sa façon de jouer avec les mots, d'inventer des alexandrins, de donner de la couleur à ses personnages, assez ternes au premier abord, est un talent inimitable. Remis dans leurs contextes, les savoureux tantologismes de la dame pipi ont eu raison de mon sérieux plus d'une fois : " Un client rassuré sera toujours plus généreux qu'un client perturbé ", " Si un sourire ne coûte souvent rien, il peut en revanche rapporter beaucoup ". 

 Qui aurait cru que ce petit livre, drôle et tendre, m'offrirait mon premier coup de cœur de l'année ? Débordant d'humour d'une finesse peu commune, évitant les grosses ficelles surannées, mettant en scène des gens ordinaires, un peu saugrenus mais attachants, c'est avec le sourire, et la passion du beau verbe comblée, que j'ai laissé les morts-vivants des Glycines reprendre des couleurs en écoutant les tourments de Chimène ou d'Antigone et les rames du métro s'éloigner, emportant un Guylain fin prêt pour une vie, enfin, plus généreuse, me laissant sur le quai le cœur rempli de tendresse par ce petit bijou.

 

 Extraits et citations :

* " C'est droit comme une épée, un alexandrin, lui avait un jour expliqué Yvon, c'est né pour toucher au but, à condition de bien le servir. Ne pas délivrer comme de la vulgaire prose, Ça se débite debout. Allonger la colonne d'air pour donner souffle aux mots. Il faut l'égrener de ses syllabes avec passion et flamboyance, le déclamer comme on fait l'amour, à grands coups d'hémistiches, au rythme de la césure. Ça vous pose son comédien, l'alexandrin. Et pas de place pour l'improvisation. On ne peut pas tricher avec un vers de douze pieds, petit. "

* " Alors s'il y a une leçon que j'ai bien apprise en près de vingt-huit ans de présence sur cette Terre, c'est que l'habit doit faire le moine et peu importe ce que cache la soutane. "

 

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Commentaires
A
Ah pour une fois, celui-ci je l'ai lu y'a déjà quelques années ; je l'avais également emprunté à la bibliothèque. Tu me donnes envie de le relire.
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