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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
23 mai 2023

"Je suis vivant et tu ne m'entends pas" de Davis Arsand

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 Éditions Babel - 2018 - 268 pages

 Édition originale : Actes Sud - 2016

 ISBN 9782330090708

 

 

 

 

 

 L'auteur :

David Arsand

Daniel Arsand, né à Avignon en 1950, est un écrivain français. Avant de prendre la plume pour laisser libre cours à son imagination, il a exercé plusieurs métiers, toujours au contact de la littérature. Tour à tour libraire, critique littéraire, éditeur et attaché de presse, il est devenu romancier sur le tard.

Après avoir publié une biographie et des poèmes, passés inaperçus, son premier roman, "La province des ténèbres", édité en 1998, obtient le Prix Fémina. Depuis, il explore divers univers, le fantastique, l'Histoire, la famille, l'homosexualité et la passion amoureuse. Son talent est unanimement salué par la presse.

 

 4e de couverture :

Quand l'Allemand Klaus Hirschkuh débarque à la gare de Leipzig, ce jour de novembre 1945, c'est une ville détruite qu'il redécouvre pas à pas. Le jeune homme qui marche dans ces décombres est lui-même en morceaux. Il vient de passer quatre ans à Buchenwald. Parce qu'il est homosexuel. À bout de forces, il est une ombre, un fantôme. Scandaleusement vivant pourtant. Et il n'a pas fini d'expier.

Survivre : un miracle et une responsabilité dont la réalisation n'a pas à être spectaculaire mais qui relève d'un combat intime, tenace, insurmontable parfois, solitaire souvent, et toujours sans répit. Le roman de Daniel Arsand invente la langue digne de ce combat à poursuivre, mélange rigoureux et explosif de sécheresse, de rage et de lumière. Je suis en vie et tu ne m'entends pas est un texte crucial, qu'on voudrait confier personnellement à chacun de ses lecteurs, comme un viatique, un talisman.

 

 Mon avis :

 Dans la littérature, on peut trouver le pire comme le meilleur. Elle peut alléger le cœur ou l'alourdir. Elle peut conter des histoires légères ou s'enfoncer au plus profond de l'ignominie humaine. Sans être féru d'Histoire, il est difficile de ne pas savoir l'horreur des camps de concentration mis en place pour la "solution finale". Si la Shoah n'a échappé à personne, l'extermination des minorités, comme les tziganes, les homosexuels ou les handicapés, reste beaucoup plus confidentielle, mais néanmoins réelle.

 "Je suis en vie et tu ne m'entends pas" donne la parole à Klaus Hirschkuh, rescapé du camp de Buchenwald. Cet homosexuel décrit les traitements spéciaux infligés aux détenus dits "anormaux" comme lui. Utilisant un langage sans filtre, d'une obscénité épuisante, Daniel Arsand oblige le lecteur à ne pas détourner le regard des scènes violentes, difficilement soutenables. Pourtant, l'important est ailleurs. Il est dans la difficulté de réapprendre à vivre au quotidien au sein de sa famille qui ne comprend pas. Klaus devrait être heureux d'être vivant et d'avoir retrouvé les siens. Toutefois, il reste abattu, intouchable, effrayé par le moindre bruit, recherchant la solitude, en un mot : traumatisé. « Je suis vivant et j'ai mon fantôme en guise d'ombre. » dit-il.

 À l'époque, la majorité de la population connaissait l'existence des camps de travail. Difficile pour elle d'imaginer l'inimaginable, les abominations qui s'y passaient, les camps de concentration devenus des camps d'extermination. Les rescapés, de retour chez eux, se taisaient. La cruauté étant au-delà de l'entendement, qui les aurait crus ? De plus, ces squelettes vivants dérangeaient, créant le malaise. Honnêtement, j'ai étouffé plus d'une fois lors du récit, redoutant de tourner la page et d'affronter encore plus d'abjections jusqu'à la nausée. Pourtant, avec cette histoire, Klaus Hirschkuh porte seul, sur son dos, tous les témoignages des survivants. Remarqué par son physique, son patronyme, choisi à dessein, parachève son portrait puisqu'il désigne une biche, animal craintif, incarnation de la finesse.

 Ce roman n'est pas à mettre entre toutes les mains. Il est toujours dans "l'entre-deux", oscillant entre souvenirs et temps présent ; entre haine et amour ; entre souffrance et tendresse ; entre horreur de la torture et douceur de la poésie, car il ne se limite pas à la vie à Buchenwald. Klaus a enfoui ses blessures. Il a souffert à cause de sa différence et continue à être mis à l'index, malgré sa discrétion. La société supporte toujours aussi mal les êtres qui ne s'inscrivent pas dans la norme habituelle, quels que soient leur passé douloureux et les sévices subis. D'ailleurs, l'homosexualité a longtemps été considérée comme une maladie, et l'est encore par certains esprits étriqués.

 Je suis sortie de cette lecture meurtrie, tétanisée par tant de barbarie, mais aussi satisfaite d'avoir pu aborder un sujet tabou, si longtemps resté dans l'ombre. Impossible d'oublier la prose de David Arsand qui, sous couvert de fiction, révèle des atrocités passées sous silence, comme tant d'autres. Le jet d'acide lancé en plein cœur par ce livre n'en est que plus douloureux. 

 

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Commentaires
A
houlala, je ne crois pas être prête pour lire ce type de lecture ; ma santé mentale ne résisterait pas. <br /> <br /> Merci d'en avoir fait un petit résumé.<br /> <br /> J'avoue que j'ai du mal à te suivre, compte tenu de ton rythme de lecture.... je te considère comme une dévoreuse de livres ;)
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