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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
30 juillet 2020

Le château de La Napoule, Amour, Art et Amour de l'Art!

 Qui n'a pas remarqué en s'approchant de La Napoule (06-Alpes Maritimes) par le front de mer, ce curieux château d'un style surprenant inspiré de l'époque médiévale, juché sur un rocher habillé de somptueuses arches gothiques?

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 Après trois tentatives de visites infructueuses au cours de ces dernières années pour cause de fermeture occasionnelle due à diverses manifestations privées, notre ténacité a enfin porté ses fruits car cette année, lors d'un court séjour en bord de mer pour réparer l'esprit et le corps de longues semaines de confinement, miracle, les jardins ET le château nous ont enfin livré une partie de leurs secrets!

 L'histoire de cette bâtisse n'est pas banale et son aboutissement encore moins.

 Il y a 2000 ans, un bâtiment était érigé sur le piton rocheux à l'emplacement du château actuel. Les romains et les sarrasins en ont fait un lieu privilégié pour la surveillance militaire de leur territoire. Au 14° siècle, une importante famille d'aristocrates provençaux, les Villeneuve-Tourettes dresse un château seigneurial sur les vestiges antiques. Il sera le berceau de leur dynastie qui perdurera jusqu'à la révolution française pendant laquelle il connaîtra la même destinée que beaucoup d'autres de ses semblables, image abhorrée d'une classe sociale déchue.

 Ce château a subi les ravages des pillages et des destructions comme une fatalité accrochée sa destinée pendant 300 ans, traversant les guerres, les attaques de pirates, les invasions, les révolutions jusqu'à en être réduit à l'état de ruines par huit fois mais tel le Phoenix, il a repris vie à chaque fois. En 1876, un parfumeur grassois du nom de Charrier séduit par le cadre enchanteur de la baie de Cannes achète le domaine et implante une grosse maison bourgeoise face à la mer en 1880.

château de La Napoule - maison de maîtres 1880

 A l'époque, l'environnement n'était que nature et les moutons venaient paître jusqu'au bas des hauts murs protégeant la propriété des intrusions étrangères. Les ports n'existaient pas alentours et on comprend aisément comment cet édifice représentait un havre de paix dans l'agitation furieuse de l'ère industrielle naissante.

 A nouveau à l'abandon, un couple d'artistes américains aussi originaux qu'extravagants acquiert le domaine en 1918 et lui donne l'aspect pseudo médiéval que l'on connaît aujourd'hui. L'histoire de ses derniers occupants est, à elle seule, une épopée peu ordinaire. Je ne m'attendais pas à être autant marquée par l'esprit et l'atmosphère qui règnent en ces lieux.

 Henry Clews Jr, héritier d'un banquier fortuné de Wall Street, tourna le dos à une carrière toute tracée dans la Finance au grand désespoir de ses parents. Déjà tout jeune, il avait développé un intérêt accru pour les Arts, les Lettres et le sport qui se mariaient mal avec les chiffres et ce qu'on attendait de lui. Pourtant, il essaya un temps de suivre les traces de son père, sans grand enthousiasme ni réel désastre ayant très vite compris les rouages, pièges et traquenards des lois du marché mais il n'était pas heureux et n'arrivait pas à trouver sa place. Henry Clews Jr choisit de s'épanouir dans la création artistique en disant:"La vie m'enseignera ses leçons, mais pas en cage. Je décidai qu'il me fallait faire mes propres choix. La liberté de choisir est, après tout, la plus grande liberté du monde. La liberté de se tromper, de travailler, de devenir profondément et complètement soi-même."

 Il installa un premier atelier à New-York, dans une propriété de ses parents puis un second à Paris, ville réputée pour son accueil chaleureux aux artistes du monde entier. Dès lors, il adopta un style de vie de Dandy, très en vogue au début du XX° siècle et lors de vacances à Newport, il rencontra Louise, une jeune divorcée. Il se marièrent, s'installèrent dans la capitale française et eurent deux enfants. Malheureusement, Mrs Clews supportait mal les amis de son mari et comprit vite la différence de comportement entre l'artiste et l'homme du monde qui l'avait séduite. De son coté, Henry avait du mal à trouver l'inspiration dans un foyer qui ne respirait pas la sérénité. Mariés en 1901, ils divorcèrent en 1910. Henry revint aux États-Unis le coeur brisé d'être séparé de ses enfants.

 Elsie Whelen était la fille du Président de l'Académie des Beaux-Arts de Philadelphie. Elle en a hérité un amour des Arts et particulièrement du chant lyrique. C'était une jeune femme fort remarquée par sa beauté et sa culture. En 1904, elle se maria avec Robert Goelet, l'un des plus riches célibataires du pays. Rapidement elle devint un pivot reconnu de la haute société new-yorkaise. Mais bien qu'occupée par ses responsabilités domestiques avec ses deux fils, elle gravitait au milieu d'un cercle de connaissances peuplé de diplomates, journalistes et politiciens qui déplaisaient fortement à sa belle-famille. Elle se sentait frustrée des limites qu'on lui imposait et surtout de ne pouvoir exercer ses compétences dans un domaine artistique.

 Elle rencontra Henry lors d'une exposition canine à Newport et fut envoûtée par son talent. Ne supportant plus le diktat de son mari et de sa belle-famille, c'est-à-dire rester strictement dans le cadre que toute mère de famille de la haute société américaine devait respecter et étant charmée par le monde artistique d'Henry, la décision déchirante de divorcer s'est imposée naturellement s'ouvrant ainsi sur une nouvelle vie correspondant à ses aspirations.

 Réellement amoureux l'un de l'autre, Henry et Elsie se marièrent en décembre 1914 en présence de leur famille respective qui ne croyaient aucunement à la pérennité de l'engagement de deux artistes aussi fantasques..... Et pourtant! 

 La première décision d'Henry fut de rebaptiser sa nouvelle épouse. Il n'aimait pas ce prénom porté par une soeur qui l'avait fait souffrir enfant. Elsie devint Mary, comme la Vierge, symbole de pureté.

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 La première partie de leur vie commune se passa à Paris, pendant la première guerre mondiale. Leur unique fils naquit en octobre 1915. Fasciné par Don Quichotte de Cervantès, Henry s'amusait à appeler Sancho son domestique prénommé Antoine, c'est donc naturellement qu'il appela son fils Mancha!

 Les privations de la guerre, l'angoisse des bombardements et la santé défaillante du bambin suite à l'épidémie de grippe espagnole poussèrent les Clews à migrer vers le sud de la France. Il découvrirent le domaine de La Napoule décrépi, d'une laideur pseudo renaissance mais qui leur apparu comme un paradis abandonné face au merveilleux lapis-lazuli de la Méditerranée, reposant dans un silence respectueux seulement troublé par le ressac des vagues. Après y avoir passé l'été, ils décidèrent de l'acheter avec l'objectif d'en faire un nid douillet répondant à leurs rêves. Aux premiers beaux jours 1919, ils s'installèrent définitivement au château. Mary, aidé d'un architecte avant de se lancer seule dans la restauration des lieux, remodela le jardin et donna un style pseudo médiéval à l'ensemble. 

 Ce château atypique est le symbole d'un mariage d'amour et artistique sans précédent. Il suffit de pousser la porte pour entrer dans une ambiance extraordinaire peuplée de chimères nées de l'esprit fantasque du sculpteur. Lequel refusa toute sa vie d'exposer et de vendre la moindre de ses oeuvres!

 Il est temps de pénétrer dans cet univers....... Les quelques touches de couleurs sur les murs sont des vestiges d'une récente exposition de Ana Maria Hernando, artiste polymorphe argentine travaillant la peinture, le collage, le tissage, le tricot ...etc. Sa prédilection étant des installations de tissus et de tulle. (Vous pouvez découvrir ses réalisations ici.)

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 Passé le porche néo-gothique, sous l'arche imposante de pierre Renaissance sculptée par le maître des lieux, plusieurs allées de graviers blancs entaillent pelouses et bosquets. Un curieux éléphant réalisé en ... pneus de moto ... lève sa trompe pour nous accueillir joyeusement d'un barrissement muet. C'est une oeuvre acquise en 2010 signée Serge Van de Put, artiste belge. (Quelques unes de ses créations sont à voir ici)

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 Après avoir visionner un petit film d'une vingtaine de minutes nous permettant de faire connaissance avec cet étrange couple de passionnés, Mr and Mrs Clews, nous flânons un peu dans la verdure en attendant la visite guidée, seul moyen d'accéder à l'intérieur du château.

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 La principale allée mène jusqu'à la cour d'honneur dominée par la façade du corps d'habitation flanquée de nombreuses arcades romanes à sa droite, façonnées dans la pierre rouge et verte de l'Esterel.

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  Mary tenait à la présence de ce "cloître" permettant d'exposer encore plus de colonnes coiffées de chapiteaux peuplés de créatures surréalistes directement sorties du bestiaire loufoque et humoristique de son époux.

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 A la fraîcheur de la galerie, un couple de pierre à la Botero, tendrement enlacés pour l'éternité, se repose et savoure silencieusement du bonheur simple d'être ensemble.

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 Sur le coté droit de la façade du corps d'habitation s'élève une mince colonne supportant un chapiteau sculpté au "chiffre" du couple. Un M (Mary) et un H (Heny) entrelacés, cerclés de 2 C (Clews) en regard l'un de l'autre.

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 Cette marque se retrouve dans tous les coins et recoins de la bâtisse, signature de l'appartenance physique et intellectuelle des lieux au couple.

 

 

 

 

 

 

 Juste avant de pénétrer dans cette mystérieuse demeure, nous sommes accueillis par le God of Humormystics (Dieu des Humeurs Mystiques). Cadeau de mariage d'Henry à son épouse adorée, cette statue monumentale est truffée d'allégories. Sa seule présence donne la couleur du monde fantastique et flamboyant de l'imaginaire du sculpteur. 

God of Humormystics

 Henry Clews s'est représenté lui-même en un Don Quichote, son héros, vieillissant mais souriant.

détails de God of Humormystics

 

 

 

 La tête ornée d'une couronne d'oiseaux symbolisant la liberté créatrice.

 La rose à la main, offrande de son amour à Marie.

 

 

 

détail pieds

 

 

 Le pied droit légèrement relevé pour ne pas étouffer le visage de Mary, signe de protection de la beauté et de l'amour.

 Le pied gauche écrasant sans pitié un crapaud monstrueux représentant la laideur du monde.

 

 

 La statue repose sur un socle orné de faciès grimaçants et hideux, tels les vices du monde et peut-être les contemporains de Henry pour lesquels il n'avait aucune complaisance en étant très critique! De face on remarque trois beaux visages sereins, le Christ entouré de Marie, la divine Mère, et Marie-Madeleine, la pécheresse pardonnée.

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 Juste sous le socle, un serpent encercle la colonne en se mordant la queue en signe de destruction et de renaissance, la renaissance de Henry au monde artistique après la rencontre avec Mary qui l'a aidé, épaulé et encouragé sans relâche.

détail socle God Humormystic

 

 

 

 Trois enfants jouent au pied de la colonne. Adam et Eve avec une pomme dans la main sont représentés à l'âge tendre, l'âge de l'innocence sans conscience du Mal existant dans le monde.

 Le chérubin ailé est Cupidon, comme tout le monde sait, symbole de l'Amour.

 

 

 

 

 

  Mais ici, l'Amour est distrait. Henry Clews étant un perpétuel angoissé souvent dépressif, a affublé son Cupidon d'une aile gauche blessée, plus préoccupé par son nombril que par le monde qui l'entoure. Malgré son désintéressement apparent, il écrase négligemment un crapaud démoniaque de son pied gauche.

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 L'ensemble de cette statue est extraordinaire de détails et de "sérénité angoissée". Il faut se faire violence pour la quitter et se diriger vers la porte d'entrée surmontée du nom du domaine, baptisé par ses propriétaires: Once upon a time ... (Il était une fois ...). Tout un programme...

 Que le conte commence!

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 Le vaste hall offre à l'oeil du visiteur des matériaux nobles séduisant par leur qualité et leur beauté: un sol de marbre rose de Carrare, des huisseries en chêne massif venues d'Espagne et de beaux spécimens de ferronnerie d'art conférant une ambiance "Belle Époque" sympathique.

hall d'entrée

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   Tout est mis en oeuvre pour que ce lieu soit le musée "vivant" du travail de l'artiste dans les moindres détails, exposant la statuaire et les détails architecturaux originaux.

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  La plupart des statues fait appel aux formes ovoïde et phallique avec des représentations caricaturales de la bourgeoisie et de l'aristocratie ainsi que des critiques d'art. Henry Clews disait: "L'oeuf est le début et la fin de toute représentation artistique." Les bas reliefs habillant les murs sont des créatures protectrices étranges ayant chacune un nom, alimentant généreusement le bestiaire fantastique de ce lieu hors du temps et de la réalité....un lieu où tout est possible, comme dans les contes. 

L'ambiance mystique est très présente et des formules "magiques" dominent des lieux de passage comme pour protéger les habitants des bassesses du monde extérieur.

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 Allégresse, Mythe, Mystère.

 

 

 

 

  De nombreuses statues d'un style plus traditionnel charme l'oeil autant qu'elles intriguent l'esprit.

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  La vieillesse, l'innocence de la jeunesse et l'aristocratie repue.

 

 

 

 

 

 

  La porte massive permettant l'accès au salon est impressionnante de détails. Sculptée par le Maître sous forme de grimoire énumérant des êtres fantastiques, toutes les ferrures ont été dessinées par Mary en rappelant le chiffre du couple ainsi que leur prénom. A elle seule, elle mériterait qu'on s'y attarde un peu plus mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

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Dans le salon, marqué de l'empreinte de Mary ...

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...à nouveau des bas-reliefs invoquent des "protecteurs" imaginaires du lieu par leur noms.

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 De nombreuses vitrines permettent de découvrir des peintures, gravures et d'autres objets fragiles.

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"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Certaines de ces oeuvres ne sont pas sans rappeler la "patte" de Rodin. Rien, d'étrange à cela, Henry a travaillé avec Auguste Rodin et Camille Claudel lorsqu'il était à Paris. Heureusement pour lui et pour l'Art, il a su sortir du tracé appartenant à d'autres pour trouver sa voie personnelle... et quelle voie!

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 Henry Clews a caricaturé les personnages qui lui déplaisaient souverainement, sans indulgence. Il aimait humilier l'aristocratie et la bourgeoisie dont il ne supportait pas l'hypocrisie, avec des représentations de femmes dénudées, n'épargnant aucun détail sur l'avachissement des chairs. Cette attitude peut paraître surprenante de la part d'un artiste issu de la Haute Société comme son épouse, qui invitait régulièrement toute la "crème" de la Côte d'Azur et d'ailleurs à de somptueuses fêtes sur le domaine. Mais c'était un idéaliste très souvent déçu par le manque d'engagement de sa "caste" aisée pour les nobles causes et pour la défense de grands idéaux. Il avait l'habitude de dire: "Peu importe ce que vous aimez, mais il faut l'aimer de tout son coeur et avec toute son âme. C'est alors que vous devenez quelqu'un." Le couple conviait aussi très fréquemment les villageois a investir les lieux pour des réjouissances costumées, une des passions des Clews.

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 Certaines joutes verbales de désaccord se traduisent dans les mains de l'artiste par un crêpage de chignon en règle!

 

 

 

 

 

 

 Toute une série de "Dieux", terme ironique, permet au sculpteur de régler quelques comptes avec les critiques dont il ne supporte ni le regard ni l'ignorance de son travail.

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  Dieu des mouches

 

 

 

 

 

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 Dieu des araignées

 

 

 

 

 

 

  

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 Dieu des crocodiles

 

 

 

 

 

 

 

 

 Quelques toiles complètent une collection riche en styles différents, où chaque objet raconte une histoire, son histoire.

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Sans oublier l'éternel amour du sculpteur et sa muse, la très belle Mary! 

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 Une autre porte à pousser et nous entrons dans un autre âge. La vaste salle à manger gothique est conçue comme une église avec une nef au plafond voûté. L'ensemble est impressionnant de hauteur.

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  Toutes les fenêtres sont habillées de vitraux, renforçant cette impression de lieu de culte.

vitraux de la salle gothique

vitraux salle à manger

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Sur la voûte en ogive de l'entrée, impossible d'ignorer la prière du châtelain.

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 Protège-moi Mary des ... , des scientifiques et des démocrates.

 

 

 

  Les quatre coins de la pièce sont gardés par d'énormes pots de fleurs en pierre aux allures de bénitiers.

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 La table centrale paraît petite dans cette vaste pièce et pourtant ...  Bien que sobre, elle permet au sculpteur d'exercer son art en laissant libre cours à son imagination fertile.

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 L'élément le plus innovant est la "cheminée du Jars", ainsi nommée à cause de sa forme d'oeuf gigantesque, portant une fresque d'oies hiéroglyphes et gardée par deux landiers en fer forgé représentant une oie et un jars.

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 Laissant courir le regard sur les murs et sur les meubles, nous rencontrons nombre de représentations de Mary sous diverses formes.

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  Comme cette Vierge de La Mancha.

 

 

 

 

 

 

 

tableau des Clews

 

 

 

 

 

 

 

 

 Et ce tableau du couple en tenue médiéval.

 

 

 

 

 

 

   Des vitrines hébergent, entre autre, une belle faïence anglaise reconnaissable à son décor et son bleu profond.

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 La dernière pièce visitée du château, et peut-être la plus émouvante, est l'atelier de l'artiste.

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 Construit à la demande de la châtelaine pour que son époux puisse créer au calme et entreposer ses oeuvres, deux immenses verrières inondent la pièce d'une lumière extraordinaire et l'on comprend le plaisir que Henry Clews éprouvait à s'y retrancher. Sur la droite s'alignent des sculptures empreintes de l'esprit de Rodin et de Claudel.

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 Face à cette période s'alignent les anges, démons, djinns et autres créatures étranges et loufoques nées de l'esprit farfelu de Henry Clews.

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 Le Penseur de Clews veille sur toute cette collection. C'est un hommage au Maître de ses débuts, Rodin, dont il admirait le travail.

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 Tout comme le Dieu des Humeurs Mystiques, il mérite qu'on s'y attarde un peu. A l'inverse du Penseur dont il est inspiré, celui-ci représente la pensée pernicieuse comme celle d'un critique d'art qui passe son temps, selon le sculpteur, à réfléchir aux ignominies qu'il pourrait écrire.

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 Il est décharné, le visage émacié car il oublie de se nourrir.

 Son crâne est surmonté d'un paon faisant la roue, c'est la fierté omniprésente dont il fait preuve car il est souvent adulé et courtisé.

 

 

 

 

 

 

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 Son sexe est une tête de mort car sa pensée omniprésente occulte tous ses autres besoins et l'empêche de se reproduire.

 

 

 

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  Il est en équilibre sur un pied, peu importe la Terre, tout se passe bien au-dessus, dans sa tête.

 

 

 

 

 

 

  On retrouve les deux formes chères au sculpteur, l'oeuf et le phallus. Ces créatures imaginaires sont travaillées dans le marbre, le granit et le bois

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quatuor Clews

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

Une multitude d'études en plâtre garnissent un pan de mur ainsi que la matrice du Dieu des Humeurs.

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Une sculpture a particulièrement attiré mon attention et j'aurai aimé connaître son histoire.

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 M.Madeleine trônant entre le Christ à sa droite et Satan à sa gauche, le sujet est loin d'être banal! On reconnaît le visage de Mary démultiplié.

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 Avec sa fortune personnelle et celle de sa femme, jamais l'artiste n'a voulu vendre ses oeuvres ni les exposer hormis dans ses jardins et sa demeure. Après sa mort, Mary organisa une grande exposition afin de faire connaître le travail de son époux. Une affiche de cet évènement repose sur un chevalet dans l'atelier.

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 Mais, l'endroit le plus attachant est sa table de travail si savamment orchestré par Mary. Les outils de sculpteur prêts à être saisis par la main de leur maître et la veste nonchalamment posée sur le dossier de chaise, attendant son propriétaire pour une promenade romantique dans le parc avec sa bien-aimée.

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 Mary a déposé également son masque mortuaire, comme il était d'usage à l'époque mais, honnêtement, je ne suis pas vraiment fan de cette coutume macabre. Après avoir rêver tout au long de la visite de monde fabuleux habité par des êtres fantastiques, c'est un retour à la réalité un peu brutal!

table de travail

 Si nous avons parcouru toutes les pièces du château ouvertes au public, la fin de la visite se déroule à l'extérieur, au milieu des jardins embaumant mille senteurs: La Tour de La Mancha. Construite en 1929, elle abrite les tombes des châtelains. Mais là encore, rien n'est ordinaire! En effet, la tour possède une pièce au dernier étage munie d'étroites fenêtres et ... inaccessible! Aucune porte, aucun escalier ne permet d'entrer dans ce lieu secret.

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 Dans une promesse, on ne peut plus romantique, les deux amants ont prévu de se retrouver au-delà de la mort et ont veillé à organiser leur rendez-vous amoureux. Tous les cents ans, après le décès du premier, leurs âmes doivent s'envoler au sommet de la tour et suspendre le temps en se retrouvant pour poursuivre leur histoire d'amour. 

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 Pour les aider dans cette entreprise, un volet sur chacun de leur tombeau est resté entrebâillé.... 

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 Cette mise en scène est le fruit de l'esprit loufoque des Clews et surtout de l'amour intense qu'ils partageaient. C'est un sacré pied de nez aux personnes qui ne croyaient pas en leur union! 

 "Tous les cent ans, ils parleront dans le silence du tombeau:"Es-tu là, Marie?"

  Et la réponse viendra:"Je suis là Henry, tout près de toi".

 Puis le silence les enveloppera à nouveau pour cent ans encore, ne laissant que le bruit des vagues de la Méditerranée d'azur, le hululement des chouettes, le cri des alouettes et le chant des rossignols se balançant au sommet des grands cyprès qui flanquent le Tour de La Mancha, où deux amants reposent, côte à côte, unis à jamais."

(Extrait de "Il était une fois La Napoule" Mémoires de Marie Clews, comme tous les passages en italique du texte.)

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 Henry Clews a été emporté par la maladie avant d'avoir terminé leur mausolée. Mary a assuré la continuité des travaux pour respecter leur volonté à tous les deux afin qu'il reposent face à face pour l'Eternité.

tombeau

 L'esprit encore imprégné de cette belle histoire d'amour, nous flânons dans les jardins en découvrant des secrets de verdure adorables.

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parc

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Nous n'avons pas pu profiter du salon de thé, fermé pour les raisons sanitaires du moment mais rien ne nous a empêché d'admirer la majestueuse vue de la terrasse sur la baie de Cannes.

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 Le texte du livret "Les Mémoires de Mary Clews" dont j'ai fait l'acquisition pour prolonger la proximité de ces "marginaux" ayant voué leur vie à l'Art et à l'Amour, ne m'a pas vraiment satisfaite. Aucune émotion ne transparaît sous la plume de Mary. Très discrète à son sujet, elle décrit principalement les aspirations de Henry en s'oubliant totalement et elle n'évoque pas sa vie "après" le décès de son époux survenu en 1937. Pourtant elle a continué à travailler sur le domaine, à la reconnaissance de l'oeuvre entière de l'artiste en organisant des expositions, en la protégeant pendant la deuxième guerre mondiale pendant laquelle les nazis avaient élu domicile entre les murs de sa demeure et construisant un blockhaus dans ses merveilleux jardins ainsi défigurés, etc. Sans doute sa réserve s'explique par la volonté de ne pas supplanter son héros dans l'esprit du public mais aussi par son l'éducation de l'époque où la vie privée restait privée en cachant ses sentiments.

 Décédée en 1959, elle repose dans leur mausolée à coté de son châtelain qu'elle retrouvera en 2037 pour respecter leur serment, dans leur pièce scellée à l'abri des regards indiscrets. Je pense que ce rendez-vous sera bercé, comme ils le souhaitaient, par la nature environnante, les vagues, les chouettes, les alouettes et les rossignols mais ils risquent d'être perturbés par les chasseurs de fantômes qui ne manqueront pas d'être présents dans le secteur... Les amoureux n'avaient pas prévu les paparazzi de l'Au-delà!

 En sortant du château, il est possible de se promener face à la mer, en bord de plage, en passant sous les arcades que Mary Clews a fait édifier pour habiller les rochers et donner un aspect singulier au socle du domaine.

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 Aujourd'hui, le château et ses jardins sont de formidables écrins pour de nombreuses expositions organisées par deux organismes  complémentaires marquant l'amour franco-américain de l'Art:

  • américain, La "Napoule Art Foundation" créée en 1951 par Mary Clews en mémoire de son mari Henry Clews, centre international artistique géré par les descendants de la famille. 
  • français, l'Association d'Art de La Napoule pour la promotion de l'oeuvre d'Henry Clews et résidence internationale d'artistes et d'activités culturelles.

Cette visite, enfin réalisée, m'a complètement subjuguée par le cadre évidemment mais surtout par l'histoire de ce couple surprenant qui a su créer un monde fantastique dans lequel il est facile de se laisser embarquer. Une expérience fabuleuse et unique!

 

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Commentaires
L
Merci , votre article a parfaitement parachevé la visite de ce château que j’ai faite hier. L’amour entre Henry et Mary , présents dans toutes les pièces donne à ce lieu atmosphère particulière . Vous avez parfaitement su la retranscrire.
Répondre
A
Merci pour ce dépaysement et cet article très richement documenté.
Répondre
Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
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