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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
19 décembre 2022

"D'après une histoire vraie" de Delphine de Vigan.

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 Éditions JC Lattès - 2015 - 479 pages

 ISBN 9782709648523

 

 

 

 

 

 

 

 L'auteur :

Delphine de Vigan

Delphine de Vigan est née à Boulogne-Billancourt. Passionnée d'écriture depuis toujours, elle édite son premier roman sous pseudonyme en 2001 et elle connaît le succès en 2007 avec le Prix des Libraires pour "No et moi", traduit en une vingtaine de langues et adaptée pour le cinéma par Zabou Breitman en 2010.

Depuis, elle a acquis une réelle notoriété tant auprès du public que de la critique et ses ouvrages aux sujets très humanistes sont souvent primés.

2011, "Rien ne s'oppose à la nuit", Prix du roman Fnac, Prix Roman France Télévisions et Prix Renaudot des Lycéens.

2015, "D'après une histoire vraie", Prix Renaudot et Prix Goncourt de Lycéens, adapté pour le cinéma par Roman Polanski.

2018, "Les loyautés" explore les valeurs humaines en traitant de l'alcoolisme chez les jeunes.

2019, "Les gratitudes" sonde les effets handicapants de l'avancée de l'âge. 

 

 4e de couverture :

"Tu sais parfois, je me demande s'il n'y a pas quelqu'un qui prend possession de toi."

 

 Mon avis :

 Pour tout auteur, il existe toujours une fraction de réel dans ce qu'il écrit ; que ce soit dans la composition des personnages, principaux ou secondaires, avec des caractères de proches ou chapardés sur des inconnus rencontrés par hasard, que ce soit dans des sentiments accompagnant la vie de chacun, douleurs, joie, anxiété, sérénité ou autre. Chaque roman est composé de quelques atomes provenant du vécu de son créateur. Chez Delphine de Vigan, depuis son roman, en grande partie autobiographique, "Rien ne s'oppose à la nuit", on ne sait jamais reconnaître la limite entre réalité et fiction dans les histoires touchant à sa sphère intime.

 "D'après une histoire vraie" porte, dans son titre, toute l'ambivalence du contenu. Est-ce le reflet de la réalité ou pure invention ? La similitude entre le personnage principal et l'autrice est flagrante. Delphine est écrivaine. Elle a du mal à rebondir après le succès phénoménal de son dernier livre. Dans sa vie privée, elle élève deux enfants, issus d'une première union, et partage sa vie avec François, un journaliste littéraire. Dès le portrait d'ensemble, sans s'arrêter sur les homonymies, les dés sont pipés pour plonger le lecteur dans le trouble, fiction ou témoignage ?

 Deux thèmes principaux sont abordés dans ce livre. Tout d'abord, la question longuement débattue, lors des échanges entre l'autrice du roman et sa nouvelle amie L., de l'intérêt d'une autobiographie par rapport à une fiction. L. maintient la thèse des lecteurs en recherche de vérité ; les fictions, ils les trouvent dans les séries, inondant les écrans et les diverses plateformes. L'écrivaine, en revanche, soutient l'importance du pouvoir de provoquer l'intérêt du lecteur pour qu'il développe de l'attachement pour le personnage décrit et éprouve de la compassion, de la tristesse ou de la joie selon les situations qu'il traverse, que l'histoire soit réelle ou inventée. Delphine de Vigan mélange les genres dans un pied de nez magistral à la sacro-sainte question :"Est-ce vrai ou non ?"

 Ensuite, le deuxième thème fort, exploité tout au long du livre, est le mécanisme de l'emprise d'un être sur un autre. L'amie L., rencontrée lors d'un cocktail, s'introduit peu à peu dans la vie de Delphine jusqu'à la maintenir dans un état de dépendance stupéfiant, comme une araignée tissant sa toile autour de sa proie. "D'après une histoire vraie" est un véritable thriller psychologique où la tension s'installe progressivement, accompagnée d'un malaise de plus en plus palpable, allant jusqu'aux frontières du trouble mental.

 En avançant dans ma lecture, j'ai rapidement compris pourquoi il n'y avait qu'une citation intrigante en quatrième de couverture. Rien ne peut être dévoilé sans ternir le plaisir de la lecture. Peut-être en ai-je déjà trop dit ! Pas de révélation, non plus, sur le mot final "FIN*". Seuls les lecteurs attentifs comprendront.

 Encore une fois, Delphine de Vigan a réussi le prodige à se connecter, dès les premiers chapitres, à mon circuit émotionnel pour me malmener dans cette histoire de dingue, sentant fort "Misery" de Stephen King, la violence physique en moins. Il n'est pas innocent que les citations d'introduction aux trois parties proviennent du célèbre écrivain dont deux de "Misery" lui-même. Elles illustrent à merveille le rapport intense, et parfois dangereux, qu'il peut s'établir entre l'auteur et son lecteur. 

 Si, d'ordinaire, les prestigieux Prix littéraires n'orientent en rien mes choix de lectures, je dois bien reconnaître l'intérêt que je porte à ceux décernés par les Lycéens. En général, la jeune génération met en lumière des écrits à son image, directs, spontanés, débordant de fraîcheur, même pour de sombres histoires tortueuses. Encore une fois, je n'ai pas été déçue de leur sélection.

 

 Extraits et citations :

* "[...] j'ai longtemps cru qu'émotif avait quelque chose à voir avec la quantité de vocabulaire qu'un individu possédait : j'étais une petite fille é-mot-ive, à laquelle il manquait donc des mots [...]"

* "Rare sont les gens qui posent les vraies questions, celles qui importent."

* "Il y a une grande différence entre ce que tu ressens, la manière dont tu te perçois, et l'image que tu donnes de toi. Nous portons tous la trace du regard qui s'est posé sur nous quand nous étions enfants ou adolescents. Nous la portons sur nous, oui, comme une tache que seules certaines personnes peuvent voir."

* "Les gens en ont assez des intrigues bien huilées, de leurs accroches habiles et de leurs dénouements. Les gens en ont assez des marchands de sable ou de soupe, qui multiplient les histoires comme des petits pains pour leur vendre des livres, des histoires, des voitures ou des yaourts. Des histoires produites en nombre et déclinables à l'infini. Les lecteurs, tu peux me croire, attendent autre chose de la littérature et ils ont bien raison : ils attendent du Vrai, de l'authentique, ils veulent qu'on leur raconte la vie, tu comprends ? La littérature ne doit pas se tromper de territoire."

* "Le livre n'est rien d'autre qu'une sorte de matériau à diffusion lente, radioactif, qui, continue d'émettre longtemps."

* "Une chose injuste qui sépare le monde en deux : dans la vie, il y a ceux dont on se souvient et puis ceux qu'on oublie."

* "Tes personnages doivent avoir un lien avec la vie. Ils doivent exister en dehors du papier, [...]. Sinon tes personnages seront comme des mouchoirs en papier, on les jettera dans la première poubelle venue. Et on les oubliera."

* "Peut-être était-ce d'ailleurs cela, une rencontre, qu'elle soit amoureuse ou amicale, deux démences qui se reconnaissent et se captivent."

* "Oui, l'écriture est une arme, Delphine, une putain d'arme de destruction massive. L'écriture est même bien plus puissante que tout ce que tu peux imaginer. L'écriture est une arme de défense, de tir, d'alarme, l'écriture est une grenade, un missile, un lance-flammes, une arme de guerre. Elle peut tout dévaster, mais elle peut aussi tout reconstruire."

* "L'écriture est un sport de combat. Elle comporte des risques, elle rend vulnérable."

* "Quiconque a connu l'emprise mentale, cette prison invisible dont les règles sont incompréhensibles, quiconque a connu ce sentiment de ne plus pouvoir penser par soi-même, cet ultrason que l'on est seul à entendre et qui interfère dans toute réflexion, toute sensation, tout affect, quiconque a eu peur de devenir fou ou de l'être déjà, peut sans doute comprendre mon silence face à l'homme qui m'aimait."

* "[...] ce qui m'intéresse [...] c'est de comprendre de quoi nous sommes constitués, fabriqués. Par quelle opération nous parvenons à assimiler certains événements, certains souvenirs, qui se mélangent à notre propre salive, se diffusent dans notre chair, quand d'autres restent comme des cailloux coupants au fond de nos chaussures. Comment déchiffrer les traces de l'enfant sur la peau des adultes que nous prétendons être devenus ? Qui peut lire ces tatouages invisibles ? Qui est capable de comprendre les cicatrices que nous avons appris à dissimuler ?"

 

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