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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
9 janvier 2024

"La rivale" de Éric-Emmanuel Schmitt

La rivale

 

 

 

 

 

 Descriptif du livre :

 Éditions Albin Michel - 2023 - 135 pages

 ISBN 9782226487841

 

 

 

 

 

 

 

 L'auteur :

E

Après des études en khâgne et hypokhâgne à Lyon, Éric-Emmanuel Schmitt, né en 1960, poursuit sa formation littéraire à la Sorbonne. Normalien, agrégé de philosophie, cet auteur, nouvelliste et dramaturge est devenu un des auteurs francophones les plus lus dans le monde entier. Ses livres sont traduits en 48 langues et ses pièces sont jouées régulièrement dans plus de 50 pays, intégrant le répertoire théâtral contemporain.

En 2012, il entre à l'Académie royale de la langue et littérature française de Belgique, successeur au siège n°33 de Colette et de Cocteau. En 2016, il a été élu à l’unanimité par ses pairs comme membre du jury Goncourt, au couvert n°2, à la suite d'Edmonde Charles-Roux, de Jules Renard et de Sacha Guitry.

 

 4e de couverture :

 Qui parle ? Une certaine Carlotta Berlumi. Le nom de cette mystérieuse vieille dame n'évoque rien à personne, pourtant elle soutient mordicus qu'elle connut son heure de gloire à la Scala et fut la plus grande rivale de Maria Callas. À l'entendre, la cantatrice grecque parvint, à force de manœuvres et de combines, à la jeter aux oubliettes, mais elle lui rendit la monnaie de sa pièce en précipitant sa chute.

 Carlotta prend-elle ses désirs pour des réalités ? A-t-elle trouvé en Callas le bouc émissaire de ses échecs, l'explication magique de ses déboires et de ses frustrations ?

À travers ce cocasse et inoubliable personnage, Éric-Emmanuel Schmitt brosse, avec un humour et une malice incomparables, le portrait en creux d'une Maria Callas méconnue. Et nous convie, en expert de la musique et des méandres de l'âme, dans les coulisses clandestines de l'opéra et du cœur humain.

 

 Mon avis :

 Après avoir suivi longtemps la bibliographie d'Éric-Emmanuel Schmitt et avoir été transportée par "Oscar et la Dame rose", "Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran", "L'Évangile selon Pilate", "Odette tout le monde et autres histoires", son magistral "La Part de l'autre" et tant d'autres romans, je me suis un peu essoufflée avec "Petits Crimes conjugaux", "Les Deux Messieurs de Bruxelles", "Les Perroquets de la place d'Arezzo" et "La Nuit de feu". Cependant, il y a deux ans, j'ai retrouvé cette "vieille" connaissance, si j'ose dire, avec bonheur en écoutant Mozart dans "Ma vie avec Mozart". Depuis, j'ai repris un contact régulier avec cet auteur que j'ai eu le plaisir de rencontrer à un salon littéraire cet automne.

 Ce grand amateur de musique classique et d'opéra signe un court roman, "La rivale", dans lequel il met en évidence l'existence de deux clans opposés, les admirateurs de La Callas et ses détracteurs, scission qui perdure encore aujourd'hui plus de 45 ans après sa disparition. Au travers du personnage fictionnel de Carlotta Berlumi, on ne peut s'empêcher de penser à Renata Tebaldi, la cantatrice à la voix d'ange, présentée comme la rivale de grande diva. Cependant, le choix de l'auteur, tout en finesse, lui permet de prendre toutes les libertés sorties de son imagination, sans aucun préjudice à quiconque.

 Si pour certains, La Callas n'a pas la plus belle voix d'opéra, avec quelques failles dans ses octaves, elle a, sans aucun doute possible, révolutionné l'art lyrique en lui apportant une dimension supplémentaire par son talent de tragédienne. De plus, elle a toujours fait preuve d'une volonté sans faille dans tout ce qu'elle a entrepris, à commencer par son physique, puis dans l'organisation de ses représentations et de ses tournées, ne laissant aucun détail au hasard, ce qui la place à un niveau de rigueur jamais atteint dans la discipline. Son travail acharné, exigeante avec elle-même et les autres, lui a conféré une réputation de capricieuse envahissante.

 Carlotta, raconte avec humeur l'ascension de "la grosse Grecque myope métamorphosée en sylphide" éclipsant de ce fait sa carrière à elle. L'imposture supposée de l'une, trahissant tous les codes classiques de l'opéra, porte préjudice à celle qui se pensait indétrônable par son classicisme et sa technique immuables, provoquant sa colère. Aucune remise en question de sa part n'est possible, seules les manigances de cette nouvelle venue sur la scène lyrique, bousculant les codes ancestraux, sont à l'origine de son déclin. Le cheminement de cette délaissée du public, met en lumière les atouts de sa rivale. La démarche d'Éric-Emmanuel Schmitt est intéressante, car peu commune. Il profite du déni de son personnage imaginaire pour brosser le portrait en creux de la Divina. Les grands moments de sa vie, ses triomphes, ses passions, ses échecs et ses amours, racontés par quelqu'un qui la déteste !

 L'humour de l'auteur est un vrai régal dans chacune des répliques de cette vieille femme à l'aura oubliée, sans pour autant perdre son autorité. Grâce à cette vie imaginaire, Éric-Emmanuel Schmitt entrouvre les portes d'un monde peu connu, les coulisses de l'opéra, lieu de toutes les passions. Nul n'est besoin d'être amateur d'art lyrique pour prendre plaisir à la lecture de ce roman, tantôt acerbe, tantôt délicieux, mais toujours cocasse. Une autre facette du talent de l'écrivain-dramaturge, bien moins connue que sa philosophie, pourtant judicieusement exploitée dans ce roman d'une finesse et d'une drôlerie très agréable. 

 

 Extraits et citations :

* « Selon une boutade qui circulait dans le métier, pour un chanteur, le metteur en scène est comme un préservatif : avec, c'est bien ; sans, c'est mieux. »

* « L'opéra, ce sont de belles notes qui jaillissent de beaux gosiers, du plaisir, rien que du plaisir, tels un plat savoureux ou un vin pétillant, pas ce dolorisme, cette atmosphère de drame, cette sentimentalité poisseuse, cet érotisme hystérique. »

* « La faculté qu'avait Callas de leurrer tout le monde fascinait Carlotta. Les gens se rendraient-ils un jour compte qu'elle les menait en bateau ? Qu'elle ne possédait pas une belle voix, mais un organe pâteux ? [...] Qu'elle avait créé un personnage d'étoile fantasque à partir d'un complexe d'infériorité, celui d'une boulotte bigleuse ? [...] Plutôt que la plus grande cantatrice du XXᵉ siècle, Carlotta repérait en elle la plus grande illusionniste. »

* « Carlotta comprenait que ce qui lui déplaisait en Callas pouvait également fasciner : c'était une voix imparfaite qui rêvait à d'autres voix. Ici, elle se serait voulue liquide, là sensuelle, là tiède, là duveteuse, là céleste, là onctueuse, là flûtée, là héroïque. Cette voix rauque charriait en elle mille voix, qu'elle n'imitait pas, qu'elle ne contrefaisait pas, mais qu'elle suggérait par d'infimes modifications de couleur. »

* « Carlotta n'avait jamais saisi pourquoi une partie substantielle du public masculin goûtant l'art lyrique adorait les divas sans désirer les femmes. »

  

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