"Dîner à Montréal" de Philippe Besson

 Éditions Pocket - 2020 - 156 pages

 Édition originale : Julliard - 2019

 ISBN 9782266307499

 L'auteur :

On peut dire que Philippe Besson est un homme-orchestre. Né en Charente en 1967, après avoir été diplômé d'une école supérieure de commerce à Rouen et titulaire d'un DESS de Droit, il enseigne le Droit Social à Paris et devient juriste. Il est surtout connu et reconnu pour son œuvre littéraire avec 36 livres à son actif dont certains ont été primés et d'autres adaptés sur grands et petits écrans. Il a multiplié ses collaborations avec le monde du cinéma en tant que scénariste avec des personnalités du monde du spectacle : Muriel Robin (Mourir d'aimer - 2009), Jeanne Moreau (La Mauvaise Rencontre - 2010), Gérard Depardieu et Fanny Ardant (Raspoutine - 2012), Fanny Ardant et Charles Berling (Nos Retrouvailles - 2012).

"Arrête avec tes mensonges" (2017), roman dans lequel il relate sa première histoire d'amour, est adapté au cinéma en 2023, réalisé par Olivier Peyon et interprété par Guillaume de Tonquédec et Victor Belmondo.

 4e de couverture :

Ils se sont aimés, à l'âge des possibles, puis quittés, sans réelle explication. Dix-huit ans plus tard, ils se croisent, presque par hasard, à Montréal. Qui sont-ils devenus ? Qu'ont-ils fait de leur jeunesse et de leurs promesses ? Sont-ils heureux, aujourd'hui, avec la personne qui partage désormais leur vie ?
Le temps d'un dîner de retrouvailles – à quatre – chaque mot, chaque regard, chaque geste est scruté, pesé, interprété. Tout remonte à la surface : les non-dits, les regrets, la course du temps, mais aussi l'espérance et les fantômes du désir.
À leurs risques et périls.

 Mon avis :

 Mon appréciation de l'écriture de Philippe Besson est oscillante selon le type de sujet qu'il aborde cependant, j'aime décidément beaucoup sa façon de décrire l'amour, ses plaisirs et ses blessures. Sans circonvolutions tortueuses, ni emphase alambiquée, il emploie des mots justes et simples, compréhensibles par tous, d'une honnêteté désarmante et charmante.

 La mise à nu, pudique et sensible, à laquelle se livre l'auteur, à chaque levée de voile sur l'intime, m'émeut profondément. Lors de ses "confidences" littéraires, la sincérité de Philippe Besson me foudroie à chaque fois, bien plus que dans les romans axés sur la narration, comme "Paris-Briançon", pourtant non dénués de sentiments. Ce n'est pas par besoin de voyeurisme, je ne me suis jamais intéressée aux journaux, dits people, étalant les pseudo-révélations, si possible scandaleuses, de n'importe quelle célébrité du moment. Non, je pense que c'est dans l'encre de ses émois puisés au plus profond de son âme, fussent-ils cinglants et déchirants, que l'émotion de sa plume puise sa force poignante et me touche.

 "Dîner à Montréal" est la dissection d'un amour perdu, disloqué brutalement par une rupture radicale par peur du jugement d'autrui ou par l'incertitude d'un homme en recherche de son moi profond, de son orientation sexuelle ou de sa vérité. Je n'ai pas encore lu "Un certain Paul Darrigrand", chronologiquement antérieur. Peut-être m'a-t-il manqué des éléments de base à cette histoire puisque le dîner est le point culminant et ultime, des retrouvailles fortuites entre deux anciens amants. Leurs conjoints respectifs présents sont bien conscients de l'importance du moment et de ses répercussions possibles, malgré la banalité du lieu, une table de restaurant anonyme. Pourtant, il me semble que l'essentiel se déroule sous les yeux du lecteur, au temps présent, empreint de souvenirs brûlants, avec des sous-entendus, des non-dits, des remords et des formules de courtoisie bienséantes et inutiles.

 L'insatiable curiosité interroge les lecteurs. Certains pensent que les faits révélés sont exacts alors que d'autres doutent. Finalement, est-ce plus important que la qualité de l'écriture, du style et surtout de la puissance des sentiments, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels ? Ce livre est présenté comme une autofiction. Que Paul ait existé dans la vie de Philippe Besson ou qu'il porte en lui une part de plusieurs amours, ne dévalorise en rien le dangereux triangle amoureux d'un homme indécis entre une femme et un autre homme.

 Le résultat est là, ce huis-clos est magnifique. Il aurait pu s'intituler "Autopsie d'une passion défunte", mais il aurait occulté les moments de bonheur intense que je ne manquerai pas d'explorer prochainement en remontant le temps avec "Un certain Paul Darrigrand". Pour moi, Philippe Besson est un des rares auteurs de l'intime qui excelle dans l'étude du comportement humain face aux débats intérieurs bouleversants de chacun.

 Extraits et citations :

* « [...] la vraie douleur ce n'est pas d'apprendre des disparitions, c'est d'y survivre. »

* « [...] on écrit avec ce qu'on a vécu, ce qui nous a traversé, ce serait impossible de faire autrement, impossible, quel écrivain pourrait faire abstraction de ce qu'il est, de ce qui l'a construit, mais avec quel matériau, il faut s'efforcer de faire de la littérature ; la vie ça ne fait pas un livre, jamais, la vie réécrite ça peut en faire un. »

* « [...] on n'écrit pas des livres pour que les gens les décortiquent devant nous (non les livres ne sont pas des rats de laboratoire qu'on dissèque). »

* « [...] on ne choisit pas par hasard des gens qui ne s'attachent pas, ça veut dire que soi-même on ne recherche pas la durée [...] »