"La liste de Schindler" de Thomas Keneally

 Éditions Robert Laffont - 1994 - 393 pages

 Titre original : Schindler's List - 1982

 Traducteur : François Dupuis - Anglais (Australien)

 ISBN 9782221077948

 L'auteur :

Thomas Keneally est un écrivain australien né en 1935. Féru d'Histoire, il abandonne le séminaire avant son ordination, préférant l'écriture dans laquelle l'Australie occupe une grande place. Il est l'auteur de nombreux romans ouvrant la porte aux grandes périodes difficiles, les conflits, la colonisation, le racisme, etc. Il sait aussi s'éloigner de ses terres natales pour explorer divers personnages au passé historique et personnel difficiles ainsi que des êtres ordinaires en conflit avec l'autorité en raison de circonstances particulières. Son plus célèbre roman, mondialement connu, est "Schindler'sArk" (1982) également paru sous le titre "Schindler's List", traduit en français par "La Liste de Schindler", qui a remporté le Booker Prize.

 4e de couverture :

Il était allemand et dirigeait un camp de concentration en Pologne occupé. Et pourtant à Jérusalem, dans "l'allée des Justes", un arbre a été planté à son nom...

Voici le roman vrai de la vie d'Oskar Schindler, l'industriel catholique qui, au péril de sa vie, consacre son intelligence, son argent, ses relations à arracher des centaines de Juifs à ses compatriotes nazis.

 Mon avis :

 Je ne vais pas m'étendre sur un livre dont tout a été dit, écrit et qui a inspiré Steven Spielberg pour son film éponyme de 1994, ayant obtenu 7 Oscars, brillamment interprété par Liam Neeson. Pour avoir visionné ce dernier plusieurs fois, il y a longtemps que je voulais lire le livre de Thomas Keneally, sans m'en accorder le temps. Le Défi de cette année m'a permis de réaliser mon souhait !

 Entre les pages, la personnalité complexe d'Oskar Schindler est bien moins lisse que le portrait affiché à l'écran. C'était un homme d'affaires affûté et clairvoyant, un industriel inscrit au parti nazi et croyant en sa doctrine, mais pas seulement. C'était aussi un joueur invétéré, un buveur gardant l'esprit clair, aimant la bonne chère et le "beau sexe". Il côtoyait plusieurs maîtresses sans l'ombre d'un secret puisque chacune d'elles connaissait l'existence des autres, tout comme son épouse, Émilie. Un brin provocateur et manipulateur, il savait s'entourer des bonnes personnes pour garantir ses affaires en brassant des sommes colossales.

 Présenté sous ces angles, cet homme ne paraît pas vraiment sympathique, cependant il a subitement pris conscience que le régime dictatorial, auquel il appartenait, ne reculerait devant aucune horreur pour perpétrer le génocide en marche, en étant témoin de violences inimaginables, en particulier le fameux "épisode" de la petite fille en rouge. À partir de ce moment-là, ses défauts sont devenus des qualités au service d'un ultime but, sauver des vies. Fin négociateur, immensément riche, il n'a reculé devant aucune manœuvre, aucun pot-de-vin, pour soudoyer des responsables capables de prendre les bonnes décisions afin de l'aider, à leur insu, à épargner les Juifs travaillant dans son usine d'armement. Le nombre de 1 200 personnes paraît bien léger au regard des millions de disparus, torturés, abattus, gazés, seulement chaque vie sauvée est un pas de plus de l'obscurité vers la lumière et les familles de concernés ne l'ont jamais oublié.

 Thomas Keneally a choisi la forme roman pour plus de fluidité, néanmoins ce sont de multiples témoignages de rescapés qui construisent l'histoire d'un homme à la rencontre de son destin. L'auteur a écrit un autre ouvrage, très intéressant, retraçant son parcours d'enquête sur la personnalité complexe d'Oskar Schindler, de la découverte de son existence à son combat pour la survie, "La quête de Schindler". Comme toutes les femmes de l'ombre, Émilie a été éclipsée par le comportement héroïque de son mari, mais elle aussi, a beaucoup participé à l'entreprise humanitaire mise en œuvre. Ses mémoires, éditées dans un livret rédigé par Erika Rosenberg, apportent un éclairage complémentaire sur sa vie et les événements tragiques de cette période de l'Histoire. Elle déclara dans une interview de 1973 : "Oskar n'était pas un personnage exceptionnel avant la guerre et ne l'a pas été non plus après. Il a eu la grande chance, au cours de cette période terrible, entre 1939 et 1945, de rencontrer et de s'entourer de gens qui l'ont obligé à se dépasser lui-même."

 Cette tragédie montre, une fois de plus, que les héros ne sont pas des êtres exceptionnels. Ce sont des gens ordinaires dont l'humanisme se révèle dans des circonstances extraordinairement périlleuses. Ils déploient tous leurs efforts pour assurer la sécurité des Autres au péril de la leur. Pour eux, agir n'est pas de l'héroïsme, agir est une évidence.