"Camille Claudel" BD d'Éric Liberge et Vincent Gravé
Éditions Glénat - 2012
72 pages
Les auteurs :
Éric Liberge né en 1965, est auteur de bandes dessinées. Il publie plusieurs volumes en tant que scénariste. Il a déjà collaboré avec Vincent Gravé dont il admire l'univers et la facture de ses dessins.
Vincent Gravé, né en en 1973, est scénariste, dessinateur et coloriste. Il sait exprimer tous les sentiments par la virtuosité de ses crayons et le lecteur ne s'y trompe pas.
4° de couverture :
"De tous les arts, au-delà de la musique elle-même, la sculpture est celui qui promet le moins de succès temporels, et toutes les probabilités sont que l'avenir verra tomber en désuétude cette vocation ingrate." Paul Claudel
Mon avis :
Je ne suis plus une lectrice friande de BD comme j'ai pu l'être autrefois. Mais il ne me déplaît pas de parcourir parfois les cases colorées d'un album si le sujet me tente. Lors d'une visite en médiathèque, mon regard s'est arrêté sur la couverture rouge-mordorée, reconnaissant immédiatement le portrait de Camille Claudel. Admirative de cette artiste depuis aussi longtemps qu'il m'en souvienne, je ne pouvais laisser ce livre derrière moi ! J'ai beaucoup lu sur cette sculptrice et connais assez bien sa vie mouvementée et son œuvre extraordinaire de vie et de finesse. Pouvoir à nouveau replonger dans son univers à l'aide de dessins m'a totalement séduite.
Le scénario de l'album est basé sur l'entretien qu'aurait accordé Paul Claudel à un journaliste pour évoquer la vie de sa sœur. Belle idée, mais qui ne m'a pas emballée plus que ça. J'ai un regard très critique vis-à-vis de cet écrivain pour son comportement envers Camille. Elle l'a aidé avec ses maigres moyens depuis le tout début de sa carrière. Il lui a rendu visite 3 ou 4 fois en ... 30 ans d'internement ! Il est vrai que la maladie mentale fait peur ; encore plus au début du siècle dernier où la neurologie en était à ses balbutiements. Les convenances et l'angoisse du "quand dira-t-on" dictaient la vie des Claudel ; alors une fille et une sœur fantasque, quelle malédiction ! La carrière de diplomate l'a également tenu à des lieues de sa terre natale pendant de nombreuses années et ses retours en France étaient relativement courts, mais ceci n'explique pas tout. Humblement je reconnais qu'il est très facile de juger une situation que l'on ne vit pas soi-même et dont on n'a qu'un regard extérieur. C'est donc sur la réserve que j'ai commencé cette bande dessinée.
Rapidement, j'ai retrouvé l'enthousiasme de la jeune Camille, sa frénésie créatrice et sa passion pour la vie et son art. La tragique histoire de sa vie est relatée avec beaucoup de soin ; ses débuts insouciants, sa passion amoureuse avec Auguste Rodin qui a fini par la consumer jusqu'à la folie. Les dessins apportent du poids au récit avec couleurs ou noirceur selon le moment vécu par la jeune artiste. Tout comme le trait, net et clair ou embrouillé et confus, se calquant à merveille avec l'état d'esprit de la sculptrice et l'évolution de sa maladie. Quelle idée ingénieuse de glisser un ruban rouge dans ses cheveux facilement repérable qui la suit de sa jeunesse jusqu'à la fin de sa vie.
En résumé, j'ai adhéré totalement à la façon de traiter ce sujet difficile tant sur le fond que sur la forme. Les auteurs ont su éviter les pièges de la représentation des œuvres de Camille. Ils ont choisi de mettre l'accent sur l'énergie de l'artiste ; celle qu'elle utilisait pour façonner la glaise ; celle qu'elle déployait pour obtenir la reconnaissance de ses pairs, à une époque où il était impensable qu'une femme puisse être considérée l'égale des hommes dans quelque domaine que ce soit.
Toutefois, j'ai quelques réserves quant au choix des auteurs de présenter un Paul Claudel repentant. Heureusement, le vrai sujet est ailleurs. De la collaboration d'Éric Liberge avec Vincent Gravé est né un travail remarquable, à la portée de tout lecteur ne connaissant pas le destin tragique de cette immense statuaire qu'est Camille Claudel et qui voudrait découvrir sa vie tumultueuse sans plonger dans un pavé de plusieurs centaines de pages.