"Le chant du silence" de Jérôme Loubry

Éditions Calmann Lévy - 2023 - 444 pages

ISBN 9782702180075

 L'auteur :

Né en 1976, Jérôme Loubry est un écrivain français reconnu pour ses thrillers. Son premier roman "Les chiens de détroit", paru en 2017, a été récompensé par le Prix Plume Libre d'Argent en 2018. Ses livres sont toujours accueillis avec succès. "Les refuges", son troisième roman, a obtenu le Prix Cognac du meilleur livre francophone en 2019 et le Grand Prix de l'Iris Noir Bruxelles 2019.  

 4e de couverture :

IL Y A CE QU’ON VOUS A RACONTÉ, CE QUE VOUS AVEZ COMPRIS,CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS CRU…
ET PUIS IL Y A LA VÉRITÉ.

Lundi dernier, le père de Damien s’est jeté du haut de la baie des veuves, cette falaise d’où les femmes guettaient autrefois le retour des bateaux de pêche.

Damien se met donc en route pour régler les funérailles, tentant en vain d’éprouver de la tristesse. Durant l’été 1995, ce père qu’il aurait voulu aimer est devenu un meurtrier, les contraignant sa mère et lui à déménager à l’autre bout de la France car la ville entière maudissait leur nom. Damien n’est jamais revenu. La seule lumière dans ce pèlerinage douloureux est qu’il va revoir Oriane, son amour d’enfance.

Mais arrivé dans le quartier des pêcheurs désormais à l’abandon, Damien découvre dans la parka de son père une photo qui remet tout en question… Et si la vérité sur l’été 1995 était tout autre ? 

 Mon avis :

 Je suis ravie de ne pas avoir hésité à reprendre un roman noir de Jérôme Loubry après avoir essuyé le flop de "Les sœurs de Montmorts". Dans "Le chant du silence", j'ai retrouvé son style, écriture soignée et mots choisis pour créer une ambiance, et quelle ambiance ! Un petit port de pêche sur le déclin à cause des eaux désertées par les poissons, des marins rugueux aux conditions de vie difficiles pour entretenir leur famille, des adolescents subissant les colères des désillusions de leurs aînés, souvent imbibés d'alcool, mais qui s'offrent des parenthèses de paix et de bonheur par une amitié sincère et indéfectible.

 Aussi dure soit la vie, le destin vient toujours brouiller les cartes. Damien en témoigne tout au long de son retour occasionnel au pays. Progressivement, il prend conscience que l'image des êtres, qui ont peuplé sa jeunesse, est entretenue par ses souvenirs et que la mémoire est un puissant miroir déformant. Il est toujours difficile d'affronter son passé, surtout lorsqu'il est celé par des secrets.

 L'auteur m'a conquise par sa virtuosité à camper ses personnages, leurs relations complexes, leur humanité, la puissance de leurs émotions, bonnes ou mauvaises, et toujours, le petit doute qu'il instille dans un coin de l'esprit, le laissant voleter de l'un à l'autre, au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue.

 Pourtant, j'ai attribué deux points faibles à ce dernier roman. Attention risque de spoil !!!

1) La couverture de ce livre est très réussie. Malheureusement bien trop réussie, car trop explicite. Je me suis arc-boutée durant toute ma lecture pour l'oublier, allant jusqu'à recouvrir le volume de papier pour la soustraire à mon regard. Évidemment, elle a fini par me rattraper avec force. Mes élucubrations mentales, pour en trouver la signification, ont occulté la surprise dont l'auteur a fait sa signature, avec le jonglage entre différentes époques, pour la chute de ses intrigues.

2) Malgré le soin apporté à broder les personnages et à les torturer dans leur quotidien, la révélation finale ne m'a pas convaincue et m'a parue trop "facile" et, curieusement, trop alambiquée pour être crédible. Couverture ou pas, je pense que mon sentiment de frustration aurait été le même.

 Il n'empêche que j'ai beaucoup aimé me promener dans ce village de pêcheurs rudoyé par les éléments hostiles, dans lequel il n'y a ni gentils ni méchants, seulement des humains, aux caractères différents, forts ou faibles, qui cherchent à survivre avec leurs proches. Contrairement à la chute, le marasme ambiant est totalement réaliste et complètement réussi.

 Vous qui vous apprêtez à embarquer à bord d'un fileyeur pour aller pêcher le mérou ou le bar, méfiez-vous de la Baie des Veuves et du ressac de l'océan, ils pourraient bien vous engloutir pour de bon !

 Extraits et citations :

* « [...] le silence a toujours fait le succès du mensonge. »

* « L'amour, elle le laissait aux autres. Juliana avait découvert avec l'expérience de la vie que cette notion n'était rien de plus qu'un slogan publicitaire, un sentiment illusoire, une futilité lourde de non-sens. »

* « [...] passer pour la méchante. C'est un rôle que les parents doivent parfois endosser, un déguisement impropre qui s'émiette avec le temps, une chimère taiseuse qui se transforme en acte raisonné quand l'enfant possède assez de recul pour comprendre. »

* « Voir ses compagnons de route disparaître, qu'ils fussent bons ou mauvais, assourdit toujours un peu l'écho de notre propre existence. »

* « Tu vois, on peut remonter loin avec des si, mais n'aller jamais nulle part. »