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Avec Plume, les mailles s’amusent……et d’autres fils s’en mêlent.
5 janvier 2022

"Marie Stuart" de Stefan Zweig

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 Éditions Le Livre de Poche - 2010 - 411 pages

 Édition originale française : Grasset & Fasquelle - 1936

 Titre original : Maria Stuart - 1935

 Traduction de l'anglais : Alzir Hella

 

 

 

 

 

 

 

 L'auteur :

Stefan Zweig

Stefan Zweig est né à Vienne en 1881 d’un industriel tisserand juif et d'une mère issue d'une famille de banquiers italiens. Son statut d'héritier de la bourgeoisie israélite lui confère une aisance financière lui permettant d'étudier la philosophie et l'histoire de la littérature, notamment au travers de ses nombreux voyages et séjours dans les capitales européennes et les villes en vogue avant la première guerre mondiale. Pacifiste convaincu et actif, il rejoint d'autres intellectuels : Romain Rolland devenu son ami, Émile Verhaeren et Sigmund Freud. Il s'exerce à tous les genres littéraires et devient traducteur, essayiste, dramaturge, romancier, poète et biographe. Il excelle particulièrement dans l'art de la nouvelle.

Bouleversé par la montée du nazisme et l'avènement de Hitler, Stefan Zweig quitte l'Autriche en 1940 pour se réfugier en Angleterre. L'année suivante, il part s'installer au Brésil sur les hauteurs de Rio de Janeiro. Anéanti par la situation politique en Europe, il se donne la mort en compagnie de sa femme en 1942, laissant derrière lui de nombreux écrits empreints d'une sensibilité extraordinaire.

 

 4° de couverture :

Reine d'Écosse à l'âge de six jours, en 1542, puis reine de France à dix-sept ans par son mariage avec François II, Marie Stuart est veuve en 1560. Elle rentre alors en Écosse et épouse lord Darnley avant de devenir la maîtresse du comte Bothwell.

Lorsque ce dernier assassine Darnley, Marie doit se réfugier auprès de sa rivale, Élizabeth 1°, reine d'Angleterre. Celle-ci la retiendra captive, avant de la faire condamner à mort. Son courage devant le supplice impressionnera les témoins, au point de métamorphoser celle que l'on disait une criminelle en martyre de la foi catholique...

Sur cette figure fascinante et controversée de l'histoire britannique, Stefan Zweig, le biographe de Marie-Antoinette, a mené une enquête rigoureuse. Ce récit passionné et critique nous la restitue avec ses ombres et ses lumières, ses faiblesses et sa grandeur.

 

 Mon avis :

 Il y a déjà quelque temps que je voulais lire ce livre. Ayant découvert le style envoûtant de Stefan Zweig et sa façon d'exprimer l'essence même des sentiments de ses personnages, je voulais aborder un de ses exercices de style pour lesquels il est renommé, la biographie.

 Passionnée de différentes époques de l'Histoire, dont le 16e siècle et les pays anglo-saxons, j'avais déjà plongé dans la lutte sanglante de la Guerre des Deux Roses, les Lancastre, Rose rouge, contre les York, Rose blanche, qui pris fin en apparence, avec l'avènement au pouvoir des Tudors, acté par le mariage d'Henri VII avec Elizabeth d'York, ayant pris comme emblème, une rose rouge à cœur blanc, symbole de réconciliation. Immanquablement, dans la succession au trône, j'ai "rencontré" le destin de la Virgin Queen, Elizabeth Ière, la plus grande reine d'Angleterre pour les uns, une incontestable hypocrite comploteuse pour les autres. Sa biographie m'a donné envie de passer de l'autre côté de la frontière pour connaître plus précisément la vie de sa cousine et ennemie jurée, la reine d'Écosse, Marie Stuart. Ces deux destins n'ont pas fini d'opposer les historiens, car l'affrontement religieux fratricide, Papistes contre Réformés, est intimement lié à la politique par les appuis puissants apportés de part et d'autre.

 Pour construire sa biographie, l'auteur se base sur les documents d'époque, irréfutables fruits d'une recherche minutieuse. Les écrivains, les poètes, les ambassadeurs et les contemporains des deux femmes ont laissé de nombreux écrits. Même si bon nombre d'entre eux ont disparu à des fins politiques, ils sont le reflet du comportement des deux souveraines aux personnalités si divergentes.

 La discorde entre la couronne d'Angleterre et celle d'Écosse est légendaire. N'étant pas soumis à la loi salique comme en France, permettant aux seuls héritiers mâles l'accession au trône, Elizabeth 1° succède à son père Henry VIII. Ce n'est pas sans soulever des protestations, car si le mariage du roi d'Angleterre et d'Anne de Boleyn a été consacré par un évêque reconnu du pape, légitimant ainsi la petite Elizabeth, son père la déclare bâtarde après avoir fait casser son union d'avec sa mère. Il s'ensuit une période sanglante où de nombreux prétendants perdirent la tête sous la hache du bourreau, à tort ou à raison, mais toujours pour répondre à la soif de pouvoir de certains.

 De son côté, Marie Stuart est couronnée reine d'Écosse à l'âge de 6 ans, suite à la mort de son père Jacques V. Sa mère Marie de Guise est française, de la célèbre Maison du même nom. Fervente catholique, elle refuse la proposition de mariage pour sa fille avec Edward, protestant, fils d'Henri VIII et lui préfère François II, fils d'Henri II et Catherine de Médicis, catholique. La vie de Marie Stuart commence dans le calme et la prospérité à la cour française. À 16 ans, elle obtient une deuxième couronne, celle de France par son mariage avec François II. Étant malade et souffreteux de naissance, le jeune roi décède l'année suivante sans héritier. Sa veuve désemparée et encombrante pour les Français, regagne son Écosse natale dont elle est toujours la souveraine. Fini, les fastes et les honneurs en grandes pompes, les vers de Ronsard et Du Bellay, son absence a laissé des traces. Son demi-frère Murray qui l'a remplacée toutes ces années, a été gagné par la Réforme, entrainant avec lui beaucoup d'écossais. La misère règne sur cette terre rude et sauvage. Son peuple, majoritairement paysan, farouche et rebelle est prompt aux soulèvements.

 Là où Elizabeth est manipulatrice peut-être, fin stratège certainement, faisant preuve d'un raisonnement implacable, Marie ne sait pas s'entourer de bons conseillers ou ne les écoute pas. Elle se laisse guider par son cœur et ses émotions, quitte à commettre de terribles erreurs de jugement et se compromettre dans des unions douteuses. L'affrontement de ces deux reines, si différentes, ne peut mener qu'à une catastrophe programmée d'où la première sort victorieuse, mais pas forcément grandie !

 Dans la vie de ces deux femmes de pouvoir, tous les éléments d'une tragédie grecque sont présents. Ruses, intrigues, trahisons, passion, meurtres, dissimulations, arrestations, évasions, Stefan Zweig retrace le destin de Marie, la maudite avec une application d'historien, nimbée de romantisme. Héroïne shakespearienne, comme dans la tragédie d'Hamlet, Marie Stuart paraît superficielle, inconséquente et naïve. Pour l'auteur, elle est une "éternelle illuminée toujours séparée du monde réel, jusque dans sa détention."

 Il est totalement normal que les historiens discutent encore de nos jours sur le bien-fondé de leurs théories. Les opposés ne s'attirent pas toujours. Elizabeth, fière, célibataire sans héritier, ne se laissant émouvoir par aucun prétendant éventuel et voulant conduire les affaires du royaume comme elle l'entend. Marie, fière également, mais emportée par la passion tombe sous l'emprise d'hommes ambitieux et prétentieux la prenant dans les filets de la sensualité. Malgré tout, si elle se sent légitime pour revendiquer la couronne d'Angleterre portée, selon son camp, par une usurpatrice, elle a un atout de poids avec la présence de son fils, née de sa deuxième union avec Darnley, nommé roi d'Écosse. Il est le prince héritier indiscutable, déclaré héritier de la couronne à l'âge de 1 an à la suite de l'assassinat sordide de son père. Décidément, le sort s'acharne sur les Stuarts très tôt, grâce à des mains habiles à orienter le destin.

 La tragique vie de Marie Stuart est totalement passionnante et peut se brosser en 4 phases : une enfance dorée en France, un retour en Écosse hostile, une existence débridée passionnelle puis une chute dramatique, mais très digne, au bout d'un enfermement d'une durée de 20 ans, transférée de châteaux en châteaux en terre ennemie qui, comble d'ironie, aurait pu être sienne.

 Je ne pense pas avoir spoilé quoi que se soit, tous ces faits sont dans les livres d'Histoire. Le talent de Stefan Zweig est de faire vivre tous les protagonistes de ce mélodrame rocambolesque. Il livre le tréfonds de leur âme si bien que, même connaissant les sorts réservés à Darnley, Bothwell et même Marie, je n'ai pu m'empêcher de ressentir de l'admiration et de la compassion pour cette reine qui a perdu la tête par amour avant de la perdre pour de bon le 8 février 1587 avec une dignité, une piété et une sagesse qui hanta longtemps Elizabeth. Mais le destin est en marche, car ce sera son fils, Jacques VI d'Écosse qui sera couronné roi d'Angleterre sous le nom de Jacques Ier. Il réalisera, ce que ses prédécesseurs n'ont jamais obtenu, l'union si attendue et désirée entre l'Angleterre et l'Écosse malgré divers complots dont il fera l'objet, comme il sied à toute Cour Royale !

 Des critiques ont qualifié Stefan Zweig de misogyne par les opinions qu'il a émises dans ce livre. "Dans le temps, dans l'espace et dans ses formes, l'opposition est grandiose : quel dommage que la lutte qu'elle a provoquée ait été d'une aussi pitoyable mesquinerie ! Malgré leur envergure extraordinaire, ces deux femmes restent toujours des femmes, elles ne peuvent pas surmonter les faiblesses de leur sexe ; la haine qu'elles se portent, au lieu d'être franche, est petite et perfide. Placés dans la même situation, deux hommes, deux rois s'expliqueraient nettement, une fois pour toutes et, dans l'impossibilité de s'entendre, se prendraient aussitôt à la gorge ; au contraire la lutte entre Marie Stuart et Élisabeth, c'est une bataille de chattes où l'on rampe et s'épie en rentrant ses griffes, un jeu plein de traîtrise et d'astuce." Je reconnais que ce paragraphe peut faire lever le sourcil de féministes impitoyables. Pour ma part, époque mise à part, je ne souscris pas à cette allégation connaissant l'humanisme de l'écrivain et sachant que la perfidie, l'intrigue et la sournoiserie ne sont pas uniquement brodées sur les bannières féminines. L'Histoire a montré nombre d'hommes puissants ne brillant pas par leur courage et leur sincérité ! L'affrontement à l'épée au fond d'un pré dans l'aube brumeuse n'est réservé qu'à un romanesque désuet et l'empoignade virile est souvent la conséquence d'une altercation avinée.

 Dans une Histoire plus proche de nous, Hitler ayant pris les rênes du pouvoir en 1933 et la biographie étant parue en 1935, je ne peux m'empêcher de penser que beaucoup de réflexions émises par l'auteur, au sujet de la politique et de la façon de traiter leurs sujets, n'évoquaient pas exclusivement l'Écosse et la perfide Albion.

 Une période trouble et sanglante de l'Histoire à découvrir, immense fresque romanesque et tragique qu'aucun récit d'imagination ne saurait égaler, mais dont beaucoup se sont inspirés. Encore une fois, la réalité dépasse la fiction !

 

 Quelques passages et citations.

- Cette éternelle misère est une plaie suppurante sur le corps de l'Écosse par laquelle s'échappe sa puissance politique. En raison de la nécessité et de la cupidité de ses rois, de ses lords, des ses barons, cet État sera toujours un jouet sanglant entre les mains des puissances étrangères.

- C'est le destin de Marie Stuart d'être toujours écartée des calculs dont elle est l'objet. Il ne lui sera jamais accordé de disposer librement de son moi, sans cesse elle restera prisonnière de la politique, le jouet de la diplomatie, l'objet des convoitises étrangères, elle ne sera que reine, gardienne de la couronne, l'alliée ou l'ennemie. [...] La politique ne s'occupe jamais des sentiments, mais de couronnes, de pays, de droits d'héritage. L'individu, son bonheur, sa volonté n'existent pas pour elle, ils ne comptent pas à côté des valeurs réelles et positives du monde. [...] Mais de tout temps la politique a été la science de l'absurdité. Elle est opposée aux solutions simples, naturelles, raisonnables ; les difficultés représentent son plus grand plaisir et la discorde est son élément.

- Seules les natures faibles peuvent renoncer et oublier ; les natures fortes ne se résignent pas et provoquent même au combat le destin tout-puissant.

- Les empires sont taillés et cousus comme des vêtements, ce sont les guerres et les mariages qui forment les États et non la libre détermination des peuples.

- La vie d'Élizabeth personnifie l'énergie d'une nation qui veut conquérir sa place dans l'univers ; la fin de Marie Stuart, c'est la mort héroïque et sublime d'une époque. Mais dans ce combat chacune d'elles réalise parfaitement son idéal : Élizabeth, la réaliste, vainc dans le domaine de l'Histoire, Marie Stuart, la romantique, dans celui de la pensée et de la légende.

- La valeur d'une vie humaine n'est nullement absolue dans tous les temps et les pays, chaque époque en juge à sa façon et la nôtre par exemple est bien plus indulgente à l'égard d'un meurtrier politique que le XIX siècle

- La partie est par trop inégale. En face d'une organisation solide l'homme isolé est toujours le plus faible.

- La morale et la politique vont chacune leur chemin. C'est pourquoi on juge toujours un événement sur des plans totalement différents, selon qu'on le voit du point de vue humain ou du point de vue de l'intérêt.

 

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