7 - Les Motoschats en road trip sur la Côte Ouest des USA. De Page à Kanab.
De bonne heure comme d'habitude, nous enfourchons nos Harlay pour nous diriger vers un nouveau site magnifique. Le ciel mitigé du petit matin ne tarde pas à s'éclaircir pour nous éblouir d'un soleil radieux.
La pause rituelle du café de 10h nous conduit dans une bourgade qui connaît les vraies valeurs!
Étant plutôt "théière" mais ne pouvant m'arrêter sans cesse pour alléger ma vessie, je laisse mes compagnons de route deviser pour explorer les alentours. Rapidement je trouve un Pawn Office dans lequel je compte bien flâner. On trouve ces magasins partout sur le territoire américain. Ce sont des Monts de Piété où chacun peut confier des objets de toutes sortes contre quelques dollars. C'est une véritable caverne d'Ali Baba dans laquelle j'arrive à "voler" quelques photos, le gérant me surveillant d'un oeil pas très amène.
Le nombre d'armes mises à disposition est impressionnant. Il est vrai que nous, européens, nous n'avons pas la même éducation sur le sujet.
J'hésite à faire mon choix! Je suis plus attirée par le râtelier faisant face au comptoir ...
La musique adoucit les moeurs, paraît-il, ce qui fait un bon équilibre!
Ressortant du magasin les mains vides, évidemment, et continuant mon chemin, une façade attire irrésistiblement mon regard.
Je pousse la porte et pénètre dans un univers nouveau style Bazar Farfouillette avec son musée. Du moins je l'espère car je vois mal des acheteurs de fioles datant de Mathusalem pour en avaler le contenu aux couleurs souvent dissuasives! Une collection incroyable de machines à écrire occupe le comptoir, le propriétaire étant sans doute un grand amateur.
L'éternelle boisson gazeuse sucrée d'outre-atlantique au frais pour éviter tout risque d'hypoglycémie côtoyant un automatique pour prise de tension, on ne sait jamais ... la dote et l'anti-dote!
Vous avez besoin d'un souvenir ? D'une babiole ? De changer de vêtement ? D'écrire un mot ? Pas de problème, tout est à portée de main...
Ah, j'allais oublier! Au milieu de tout ce bazar il y a quelques médicaments bien sûr. Certains que nous connaissons, d'autres interdits à la vente chez nous depuis des années mais en accès libre ici conformément à la législation du pays.
Enfin, tout au fond du magasin, presque caché comme une maladie honteuse, le comptoir de délivrance des ordonnances.
Autre continent, autre culture, autres moeurs!
Après la pause, en route avec d'autres mastodontes comme compagnons de voyage toujours aussi sidérants...
Sans oublier le véhicule tracté pour des déplacements plus faciles, arrivé à destination. Il paraît petit mais c'est un effet d'optique car si l'on s'approche, il est souvent plus haut qu'un homme!
Le soleil, à nouveau timide, s'offre la liberté de nous abandonner mais jamais tout à fait.
Au fur et à mesure que nous avançons, nous changeons de décor. Nous quittons l'Arizona pour l'Utah.
Une petite route sinueuse comme nous n'en avons pas encore empruntée, nous rappelle que nous abordons une région montagneuse.
Arrivés à Sunset Point, nous garons nos montures regroupées comme d'habitude pour gêner le moins possible les automobilistes. Nous sommes surpris et amusés par le volume de certains bus. Impensable de les voir un jour sur les petites routes françaises!
Enfin, nous parcourons les dernières centaines de mètres à pied pour déboucher sur un site fabuleux à couper le souffle: Bryce Canyon.
C'est certainement le site le plus insolite que nous ayons vu jusqu'à présent avec ses colonnes de calcaire déclinant le spectre chromatographique du blanc au vert avec toutes les variations de roses, rouges, orangés. Ces couleurs sont dues à l'oxyde de fer et du manganèse, s'irisant sous le soleil, tellement fabuleuses au levant comme au couchant.
Le National Park Service gérant le patrimoine naturel et historique américain a élu Bryce Canyon National Park le plus beau des USA. Sa réputation n'est plus à faire et, franchement, il l'a bien mérité. Le spectacle est magique!
Situé à 350 km au Nord-Est de Las Vegas et à 80 kilomètres de Zion National Park, ce n'est pas vraiment un canyon, à l'origine c'est un plateau calcaire d'une superficie de 145 km2 que des millions d'années d'érosion sublime ont façonné en un paysage incroyable considéré comme la Pépite de l'Ouest des USA. On soupçonne que ces territoires ont été occupés par les hommes depuis une dizaine de milliers d'années bien qu'aucune preuve archéologique n'existe car ces populations n'ont probablement que transiter par ce plateau aride, au climat trop hostile en hiver pour s'y installer. Au paléolithique, à la fin de la dernière glaciation, les Amérindiens sont venus chasser entre ces colonnes de pierres, tout comme les peuplades précolombiennes plus tard. Les Piautes y pratiquaient la chasse et la cueillette au moment où les premiers européens découvraient ces merveilles.
La scenic Drive traverse le parc sur toute sa longueur du nord au sud, 18 miles soit 29 km, mais la partie la plus impressionnante est "l'amphithéâtre" avec une multitude de cheminées de fées concentriques ou Hoodoos. Elles constituent un véritable labyrinthe parcouru pendant des milliers d'années par les Anasazis, les premiers habitants du territoire.
Les formes animales, presque humaines, de ces gigantesques colonnes de pierre, 300m à 400m de haut, les a dotées d'une âme transcrite dans de nombreuses légendes indiennes. Pour les Piautes, chaque cheminée de fées retenait une âme humaine, le dieu Coyote ayant pétrifié son propriétaire à cause des mauvaises actions accomplies de son vivant. C'est pour cette raison qu'ils nommaient respectueusement toute cette forêt de pierres les "Hommes Debout". Certaines ont été baptisées par les nouveaux colons: Queen Victoria, Wall of Windows, The Cathedral, Tower Bridge, Chinese Wall et tant d'autres.
Personne n'arrive à se rassasier de ce spectacle hors du commun et cherche à l'imprimer dans sa mémoire, sachant que Bryce Canyon est le dernier site de roches grandiose du séjour.
Pour ceux dont l'organisation le permet, il est possible de profiter d'un point de vue différent tout aussi impressionnant, à la base des cheminées de fées en parcourant les dédales de sable rouge à pied ou en 4X4.
L'afflux de touristes ne passe pas inaperçu pour la faune du lieu qui n'hésite pas à venir quémander quelques nourritures, totalement proscrites par le Service de Protection de la Faune et de la Flore. Malheureusement, il est fréquent de voir des visiteurs peu scrupuleux donner aux petits gourmands les restes de leur pique-nique pour leur plaisir égoïste, au mépris de la réglementation.
Le petit mammifère le moins farouche est l'écureuil terrestre à manteau doré.
Sans crainte il se place au travers du chemin pour se faire remarquer. Et si ce n'est pas suffisant....
... il grimpe pour être dans le champ visuel des touristes! Comme son cousin le Chipmunk d'Uintah dont le ventre traîne par terre.
Il n'est pas le seul à prendre de la hauteur. L'Homme se sent bien petit devant les merveilles façonnées par Dame Nature....et le motard aussi!
Si l'on veut un peu d'Histoire, le site n'en manque pas. Par les légendes des Piautes, indiens vivants en ces lieux bien longtemps avant l'arrivée des européens...
... mais aussi par le couple de colons mormons, les Bryce, qui a laissé son nom au site à cause de toutes les actions menées à cet endroit pour aider les gens de la région et leur église notamment en construisant un système d'irrigation et une route.
Après une journée encore forte en émotions, nous arrivons à notre étape du jour: Kanab. Cette ville a eu beaucoup de mal à se bâtir car les tribus amérindiennes s'opposaient énergiquement à l'installation de "l'homme blanc" sur son territoire. Aujourd'hui, nous connaissons l'issue de tous les conflits souvent sanglants engendrés par la colonisation des terres amérindiennes dans tous les États des USA....
Noyées au milieu du foisonnement de pancartes publicitaires accueillant le visiteur à l'entrée de la ville, nous repérons sans peine des noms et des silhouettes connues.
Ici, je voudrais surtout parler de l'histoire cinématographique liée à Kanab surnommée "Little Hollywood". En effet, à partir de 1922 les producteurs hollywoodiens ont été sensibles au charme des paysages atypiques qu'offre l'ouest de la ville. Ville d'élevage de bétails, Kanab était très prisée des réalisateurs de westerns pendant une grande partie du 20° siècle (1920 - 1960). Malgré leur doctrine très stricte, les Mormons ont construit des hôtels et des restaurants afin d'accueillir les équipes de tournages dans de bonnes conditions, leur permettant de se divertir allant jusqu'à leur servir de l'alcool dans les bars, conscients de l'essor économique incroyable que l'industrie du cinéma et particulièrement du western leur apportait.
"Deadwood Coach" (L'entraîneur de Deadwood) de Lynn Reynols, film muet de 1924 a permis à Kanab de faire ses débuts en cinémascope avec en toile de fond les falaises rougeoyantes...perçues dans une multitude de tons gris sur l'écran. Il sera suivi d'une centaine de films dont voici quelques affiches:
1948
1939
1944
1948
1968
1976
1994
2001
Sans oublier des séries et téléfilms qui ont enchantés beaucoup d'enfants dont les écrans étaient encore en noir et blanc:
Lassie et Rintintin
1954
Bref, Kanab est une charmante petite ville paisible où l'on se sent bien, apaisé et où l'on se promène à l'ombre de John Wayne. En effet, l'acteur y venait fréquemment et pas seulement pour travailler.
Le hall de notre hôtel expose fièrement les photos, dédicacées ou non, des stars ayant séjourné entre ses murs ....
Amusez-vous! Parmi tous ces visages quelques uns ont traversé l'Atlantique plus facilement que d'autres!
La journée se termine dans un cadre pittoresque, pour ceux qui ne craignent pas la compagnie d'animaux...morts!
Une magnifique souche ramifiée sert de pied pour table basse sur laquelle nous prenons l'apéritif.
Avant de partir, impossible de ne pas souscrire à la tradition toute américaine de glisser nos têtes dans des silhouettes pré-dessinées dans un cadre très far-west.
Après quelques heures de sommeil, nous voilà fins prêts pour repartir vers une autre destination dont l'étape nocturne n'aura rien de bucolique. Un dernier regard vers l'hôtel et un petit habitant figé contre le mur essayant de se fondre dans le décor malgré sa taille et sa couleur...
... avant de retrouver nos motos sur le parking qui avaient dû se raconter des tas d'aventures avec une copine d'une nuit, une Harley customisée par une chirurgie esthétique intensive, peinture, grande roue avant avec jante aux rayons larges géométriques et bien d'autres détails appréciés des amateurs.
A la manière de Maurice Chevalier, coiffés de casques en guise de canotiers, nous entonnons en choeur:
" Quand une Harley,
Rencontre une autre Harley,
Qu'est-ce qu'elles se racontent?
Des histoires de Harley!"